Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moi de rester, ne fût-ce qu’un moment dans cette maison dont vous m’avez chassé ?

— Mais je t’assure, Foma, que cela n’aurait rien que de convenable !

— Convenable ? Sommes-nous donc des pairs ? Est-ce que vous ne comprenez pas que je viens de vous écraser de ma générosité et que votre misérable conduite vous a réduit à rien ? Vous êtes à terre et moi, je plane. Où donc est alors la parité ? L’amitié est-elle possible hors de l’égalité ? C’est en sanglotant que je le dis et non en triomphant, comme vous le pensez, peut-être.

— Mais je pleure aussi Foma ; je te le jure !

— Voilà donc cet homme, reprit Foma, pour lequel j’ai passé tant de nuits blanches ! Que de fois, en mes insomnies, je me levais, me disant : « À cette heure, il dort tranquillement, confiant en ta vigilance. À toi de veiller pour lui, Foma ; peut-être trouveras-tu les moyens du bonheur de cet homme ! » Voilà ce que pensait Foma pendant ses insomnies, colonel ! Et nous avons vu de quelle façon le colonel l’en remercie ! Mais finissons-en...

— Mais je saurai mériter de nouveau ton amitié, Foma, je te le jure !

— Vous mériteriez mon amitié ? Et quelle garantie