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supporter. Et vous voulez aussi faire étalage de vos connaissances et de votre goût. Votre goût ! permettez-moi de vous demander le goût que vous avez ? Vous vous entendez à la beauté comme un bœuf à la viande ; excusez-moi si c’est un peu brutal, mais ça a au moins le mérite d’être juste et franc. Ce ne sont pas vos courtisans qui vous parleront ainsi, colonel !

— Ah ! Foma !

— Ah ! Foma ! Oui, je sais bien ; la vérité semble parfois dure. Mais nous en reparlerons plus tard. En attendant, laissez-moi aussi égayer un peu la société… Paul Sémionovitch, avez-vous jamais vu un pareil monstre sous une forme humaine ? Voici déjà longtemps que je l’observe. Regardez-le bien ; il meurt d’envie de m’avaler tout cru !

Il s’agissait de Gavrilo, le vieux serviteur, qui, debout près de la porte, assistait avec tristesse au traitement infligé à son maître.

— Paul Sémionovitch, je veux vous offrir la comédie. Eh ! toi, corbeau, approche un peu ! Daignez donc vous approcher, Gavrilo Ignatich ! Voyez, Paul Sémionovitch, c’est Gavrilo condamné à apprendre le français en punition de sa grossièreté. Je suis comme Orphée, moi ; j’adoucis