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vous venez de tracer, dit Obnoskine en bâillant.

— Nous n’avons plus qu’à écouter, décida Foma.

— Je te jure que ce sera très amusant, Foma. Je vais vous raconter comment, une fois, je commis une gaffe. Écoute, toi aussi, Serge ; c’est fort instructif. Nous étions donc à Krasnogorsk, reprit mon oncle, tout heureux et radieux, racontant précipitamment et par phrases hachées, comme il lui arrivait toujours lorsqu’il discourait pour la galerie. À peine arrivé dans cette ville, je vais le soir au théâtre. Il y avait alors une actrice remarquable, nommée Kouropatkina, laquelle s’enfuit avec l’officier Zverkov avant la fin de la pièce, si bien qu’on dut baisser le rideau. Quelle canaille, ce Zverkov ! ne demandant qu’à boire, à jouer aux cartes, non qu’il fut un ivrogne, mais pour passer un moment avec les camarades. Seulement, quand une fois il s’était mis à boire, il oubliait tout : il ne savait plus où il vivait, ni dans quel pays il se trouvait, ni comment il s’appelait ; il oubliait tout ! Mais c’était un charmant garçon… Me voilà donc en train de regarder le spectacle. À l’entr’acte, je rencontre mon ancien camarade Kornsoukhov… un garçon unique, ayant fait campagne, décoré ; j’ai appris qu’il a embrassé depuis la carrière civile et qu’il est déjà conseiller