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le gros de l’affaire ; mais si tu avais entendu tout ce qu’il disait ! en un mot, il m’a chaviré le cœur. Que pouvais-je faire ? Naturellement, cela m’a complètement abattu ; j’étais comme une poule mouillée. Le grand jour venu, le général fait dire qu’il ne peut venir et qu’il présente ses excuses. Je me rends chez Foma : « Allons, calme-toi, Foma ! le général ne viendra pas. — On m’a blessé ! » continue-t-il à crier. Je le prends par tous les bouts. « Non, allez avec vos généraux puisque vous me les préférez ! Vous avez tranché le nœud de l’amitié. » Mon ami, je comprends le motif de son ressentiment ; je ne suis pas une souche, ni un bœuf, ni un vague pique-assiette. C’est son amitié pour moi qui le pousse, sa jalousie. — il me l’a dit lui-même, — il craint de perdre mon affection et il m’éprouve afin de voir ce que je suis capable de faire pour lui. « Non, me dit-il, je dois être pour vous autant qu’un général, qu’une Excellence ! Je ne me réconcilierai avec vous que lorsque vous m’aurez prouvé votre estime. — Comment te la prouver, Foma Fomitch ? — En m’appelant pendant toute une journée Votre Excellence ! » Je tombe des nues ! Tu vois d’ici mon étonnement. « Que cela vous serve de leçon, continue-t-il, et vous apprenne pour l’avenir à ne