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« Mais ceci est un chef-d’œuvre, et cet enfant est un grand poète ! »

Et dès le lendemain, dans le Constitutionnel (1852), louant cette poésie dont on ne saurait, disait-il, « rendre l’ampleur si on ne l’a entendue dans son récitatif lent et majestueux », il reproduisait la pièce de Midi tout entière.

« À dater de ce jour, disait Leconte de Lisle avec son fin sourire, j’ai toujours été, pour la critique et pour le public, le poète de Midi. J’écrirais cent mille autres vers, je ne serais jamais que l’auteur de Midi. »

L’excuse du public, c’est que, contrairement à ses confrères, qui débutent dans la poésie par le livre des amours banales, où le culte de la femme n’est pas distinct de l’adoration du printemps, des fleurs, de tous les espoirs vagues, Leconte de Lisle ne voulait produire à la lumière qu’une pensée précise, enfermée dans une forme parfaite. Il fit chastement le mystère sur toutes les aventures de son cœur ; nul doute que ses poèmes jetés à la mer ne fussent des vers d’amour. Une délicatesse de pudeur empêcha Leconte de Lisle de livrer le secret de ses affections à la foule : il ne consentit jamais à en faire de la littérature.

Il a exprimé ces réserves dans le sonnet des Montreurs, dont un critique a dit qu’il devrait être placé au seuil de l’œuvre entière du poète, comme le Sésame ou la formule d’initiation :