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Lisle rédigea leur requête. Il ne s’arrêta point à la pensée que cette nouveauté ruinerait son patrimoine. Entraînés par son exemple, beaucoup signèrent avec lui, qui désavouèrent plus tard leur adhésion. Cette pétition des créoles, qui parlaient en connaissance de cause et contre leur intérêt personnel, ne contribua pas médiocrement à l’abolition de l’esclavage dans les colonies. Mais les parents du poète furent informés de la part qu’il avait prise à ce qu’ils appelaient leur ruine ; ils en conçurent contre lui une profonde rancune, qui eut pour le jeune homme d’immédiates conséquences. Du jour au lendemain on lui retira tout subside. Il se trouva dénué de ressources, livré à lui-même dans ce Paris où il était seul. Alors commença une vie difficile et pleine de déceptions. Il se mit courageusement au travail, il paya son indépendance de l’ennui des leçons, il se fit répétiteur de latin et de grec, il s’attela à cette besogne de traduction qui devait l’occuper sept années.

Tant de difficultés avaient exaspéré sa passion de la justice et son instinct de révolte. Aussi, en 1848, le vit-on sur les barricades, en compagnie de Paul de Flotte, qui, plus tard, mourut dans l’expédition de Garibaldi. Les deux amis apportaient de la poudre aux insurgés. Ils se battirent. Un jour, Leconte de Lisle fut arrêté et fouillé ; il avait de la poudre dans ses poches, on le mit en prison. Pendant quarante-huit heures, « les plus longues de ma vie, disait-il, je demeurai sous les verrous ; cependant, comme on m’avait laissé mes livres, je continuai