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Le bracelet au poing, l’anneau sur la cheville
Et le mouchoir jaune au chignon,
Deux Telingas portaient, assidus compagnons.
Ton lit aux nattes de manille.

On voyait au travers du rideau de batiste
Tes boucles dorer l’oreiller.
Et sous leurs cils mi-clos, feignant de sommeiller,
Tes beaux yeux de sombre améthyste.


Cette tendresse tout idéale conduisit le jeune homme jusqu’à sa vingtième année.

Ses parents étaient déçus de lui voir si peu de goût pour le commerce. Ils désespéraient de son avenir ; ils résolurent de l’envoyer finir ses études en France. L’enfant partit, l’âme attristée, laissant derrière soi tous ceux qui lui étaient chers ; il se sentait si seul qu’il souhaita mourir.

Trois ans il demeura à Rennes, sous prétexte d’y faire son droit ; en réalité il écrivait des poèmes ; il étudiait les langues anciennes, il les aimait. Il ne se retrouvait qu’au milieu des dieux et des nymphes, parmi ces choses mortes, plus vivantes pour lui que les réalités de l’heure. Son exil avait cessé de lui peser, quand on le rappela enfin à l’île Bourbon en 1841. En ce temps-là, on voyageait à la voile. Le trois-mâts qui portait Leconte de Lisle ne mit pas moins de cent dix-sept jours à gagner Bourbon. On fit escale à Sainte-Hélène et au cap de Bonne-Espérance. Le poète, qui déjà était républicain, n’apportait assurément pas à Sainte-Hélène l’émotion d’un fervent du Mémorial, mais il avait l’âme trop profonde