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Élisée de La Nux, sortait de cette famille. Elle fut épousée par M. Leconte de Lisle, qui, à son tour, avait émigré à la Réunion en 1816 : ainsi, le poète avait d’un côté du sang créole, auquel il mêlait, d’autre part, des origines bretonnes et normandes. On avait déjà connu un faiseur de vers dans la famille de La Nux, le « licencieux » Parny, « L’oncle et le neveu ne se ressemblent guère, » avait coutume de dire Leconte de Lisle, lorsqu’on l’amenait à évoquer ces souvenirs de famille. Et il ajoutait : « Notre nom, dans nos papiers, est orthographié ainsi : Le Conte de Lisle, branche aînée, Le Conte de Préval, branche cadette. Je fus le premier à réunir les deux mots Le et Conte, afin d’éviter le semblant d’un titre. »

Toute son enfance, il la passa dans l’île magique, tantôt dans sa ville natale, tantôt sur la montagne, à l’Habitation. Là-haut, près de ses parents, l’enfant étudiait toute la semaine le latin et le grec ; le samedi soir, il fermait ses livres, et seul, il descendait les rampes de la colline, vers la ville, pour y passer le dimanche. La liberté reconquise lui faisait le cœur plus sonore. Il regardait les grandes montagnes d’un bleu sombre se dessiner nettement sur le ciel plus pâle, la chute incendiée du soleil dans la mer, la nuit soudaine, l’apparition successive des feux sur les hauteurs et des constellations dans le ciel. Il s’enivrait de la douceur des contrastes de cette heure ; et l’émotion qui vient de la beauté des choses gonflait son cœur d’amour. Voici comment lui-même, dans quelques pages intimes, évoque ces souvenirs d’enfance :