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Chat Noir tranquille, familial, oui, familial, et ce n’est pas un paradoxe, où j’ai connu des heures douces et chaudes. Par de sombres jours d’hiver, quand ma chambre était triste et la rue noire de froid et de boue, je suis venu plus d’une fois me réfugier là, avant la nuit. Dans la grande salle déserte à cette heure mélancolique du crépuscule, sur la plus haute feuille d’un palmier exilé, un chat noir dormait, un vrai chat noir, divinité mystérieuse et respectée de ce lieu ; un bon feu de coke grésillait dans la monumentale cheminée, et la magnifique verrière d’Adolphe Willette qui représentait le culte du veau d’or prenait une gravité religieuse. Puis les lustres s’allumaient et bientôt arrivaient les uns et les autres : Trimouillat que Salis avait fait baron, Narcisse Lebeau, jeune homme rempli d’esprit, Jean Goudeski, poète chaste, Alfred Mortier, poète symboliste, Léon Durocher, poète breton, Franc-Nohain, poète amorphe :