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LA GERBE


Pour la fête de Celle en qui sont tout ensemble
La sœur et l’amie et l’amant aux longs baisers,
Ce matin, j’ai dit aux fleuristes : Composez
Une gerbe de fleurs rares qui lui ressemble.
Comme, tout en étant la bacchante aux seins nus,
Son âme a des pudeurs jalousement gardées,
Vous mettrez à côté des grands lis ingénus
             Les impudiques orchidées.

Pour la fête de Celle en qui tout est parfum,
Les fleuristes ont fait avec soin une gerbe ;
J’ai voulu qu’elle fût délicate et superbe,
Moi-même en ai choisi les parfums un par un.
Pour rappeler l’odeur fraîche de son haleine
Et les chaudes senteurs de ses attraits cachés,
J’ai fait mettre à côté de la frêle verveine
             D’insolents œillets panachés.

Pour les tous de sa peau blanche de brune rousse,
Nous avons pris des Roses d’un blanc aveuglant,
Pour ses lèvres des Roses d’un rouge sanglant,
Et pour la teinte rose ineffablement douce
Dont l’aurore sourit aux pointes des seins blancs,
Nous avons pris les plus roses des Roses roses
Et des Lilas lilas pour les cercles troublants
             Cernant ses paupières mi-closes.