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d’arbre le rabatit qui fit recevoir à nos gens ce que Daulac avait préparé à nos ennemis, lesquels en auraient été fort endommagés, mais enfin ce coup malheureux ayant tué et estropié plusieurs des nôtres, il nous affaiblit beaucoup et donna un grand empire à nos ennemis, lesquels ensuite firent brèche de toutes parts. Il est vrai que malgré cette désolation, chacun défendait son côté à coups d’épées et de pistolets comme s’il eut le cœur d’un lion. Mais il fallait périr, le brave d’Aulac fut enfin tué et le courage de nos gens demeura toujours dans la même résolution, tous enviaient plus tôt une aussi belle mort qu’ils ne l’appréhendaient, que si on arrachait un pieux dans un endroit, quelqu’un y sautait tout de suite le sabre et la hache à la main, tuant et massacrant ce qu’il y rencontrait jusqu’à ce qu’il y fut tué lui même. Ensuite nos gens étant quasi tous morts, on renversa la porte et on y entra à la foule ; alors le reste des nôtres, l’épée dans la main droite l’épée dans la main gauche, se mit à frapper de toutes parts avec une telle furie que l’ennemi perdit la pensée de faire des prisonniers, pour la nécessité qu’il se vit de tuer au plus vite ce petit nombre d’hommes qui en mourant les menaçat d’une générale destruction, s’ils ne se hâtaient de les assommer ce qu’ils firent par une grêle de coups de fusils laquelle fit tomber nos gens sur une multitude d’ennemis qu’ils avaient terrassés avant que de mourir ; après ces furieuses décharges sur si peu qui restaient, ces bourreaux voyant tout le monde à bas coururent incontinent sur les morts pour voir s’il n’y en avait pas quelques-uns qui ne fussent pas encore passées et qu’on put guérir afin de les rendre par après capables de leurs tortures, mais ils eurent beau regarder et fouiller ces corps, ils n’y purent jamais trouver qu’un seul qui était en état d’être traité et deux autres qui étaient sur le point de mourir, qu’ils jetèrent d’abord dans le feu, mais ils étaient si bas qu’ils n’eurent pas la satisfaction de les faire souffrir davantage ; quant à celui qui se pouvait rendre capable de souffrances, quant il fut assez bien pour assouvir leur cruauté ; on ne saurait dire les tourments qu’ils lui firent endurer, et on ne saurait exprimer non plus la patience admirable qu’il fit voir dans les tourments, ce qui forcenait de rage ces cruels qui ne pouvaient rien inventer d’assez barbare et inhumain dont ce glorieux mourant n’emporta le triomphe. Quand à Anontaha et aux 4 Algonquins ils méritent le même honneur que nos 17 Français, d’autant qu’ils combattirent comme eux, ils moururent comme eux et apparamment comme ils étaient chrétiens, ils se disposèrent comme eux à cette action ; ils allèrent dans le ciel de compagnie avec eux. Ce qu’on peut dire des Iroquois est que dans leur barbarie et cruauté, ils ont en cela de louable qu’ils firent une partie de la