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possible auprès de sa chère dame pour en obtenir la fondation, qu’elle avait tout à espérer de sa bonté ; eux lui ayant témoigné la reconnaissance qu’ils avaient à sa sollicitude parlèrent tous unanimement de son infirmité et dirent qu’il fallait sans plus tarder la faire voir aux plus experts, afin de tenter par toutes les voies possibles sa guérison. Là dessus feu Mr. Duplessis Monbar d’heureuse mémoire ajouta que Mlle Chahue la mènerait en son carrosse chez les personnes qu’on nomma et qu’on crut les plus habiles. La chose s’exécuta comme on l’avait résolue mais sans aucun fruit, car dans toutes les consultes on nous répondit qu’il n’y avait rien à faire, que le mal était trop grand et trop invétéré, que de plus, elle était trop âgée, qu’il fallait même prendre garde que ce mal de bras ne se communiquat au corps ; que sa main et son bras ayant la peau aussi sèche qu’un cuir à demi préparé, qu’étant sans la moindre liberté d’en user, que les parties étant toutes atrophiées et glacées de froid sans conserver d’autre sensibilité que pour lui causer de grands tourments lorsqu’on la touchait, il y avait bien à craindre que le côté droit de son corps, ne vint participant des infirmités de son bras ; que si quelques charlatans osaient entreprendre sa guérison, au lieu de la soulager, il attirerait et irriterait les humeurs qui la rendrait paralytique de la moitié du corps, Mlle. Chahue entendant ce langage des plus habiles de Paris, ramena son infirme, laquelle commença de solliciter sa dame pour les filles de La Fléche. Or cette pieuse fondatrice ayant compassion d’elle et étant bien affligée de l’état irrémédiable où elle la voyait se résolut de l’assister et donna 20, 000 livres pour l’établissement des filles qu’elle lui proposait, ce qui réjouit extrêmement les associés, lesquels en rendirent grâce à Dieu et à Mlle. Mance qui ménageait ainsi des secours par sa prudence ; travaux qui furent si agréables à Notre Seigneur qu’il les voulut reconnaître par un miracle authentique qui se fit dans la chapelle du Séminaire de St. Sulpice, le jour de la Purification où Dieu voulut honorer la mémoire de Mr. Ollier son serviteur, donnant à son cœur le moyen de témoigner sa gratitude à celle qui pour lors s’employait si fortement en faveur de cette Isle a laquelle il prenait tant de part lorsqu’il était vivant ; et dont Dieu veut bien qu’il prenne la protection après sa mort. Comme nous allons voir par le détail de ce miracle que nous pouvons dire bien grand puisqu’il se réitère tous les jours à la vue d’un chacun et selon l’aveu de tous ceux qui veulent prendre la peine de voir le bras sur lequel il est opéré et s’opère incessamment. Décrivons-en l’histoire ; quelques jours avant la Purification, Mlle Mance était allé voir Mr. Breton-Villiers au Séminaire de St. Sulpice toute remplie de respect qu’elle conservait pour Mr. Ollier,