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a quasi parlé, on me dispensera de rapporter au long ce qui regarde ce saint homme, d’autant que les Révérends pères Jésuites n’auront pas manqué de s’acquitter de leur devoir à l’égard de ce digne confrère au sujet duquel je dirai seulement, qu’heureux le servi leur de Jésus-Christ qui meurt comme lui exposé actuellement pour le service de son maître. Sur la fin de cette année, on eut au Montréal, l’affliction du départ de M de Maison-Neufve pour la France. Il est vrai que comme il n’y allait que pour le bien du pays, que comme cette Isle recevait toujours de grands biens dans tous ses voyages, l’espérance du bonheur qu’on croyait devait accompagner son retour, n’était pas une médiocre consolation pour radoucir l’amertume de son départ. Toujours il avait de grands desseins ; et jamais cette planète ne s’éclipsait de son Montréal, sans qu’elle y ait paru par après avec l’éclat de quelque nouvelle conquête ; que si cela s’est vérifié dans tous ses autres voyages, cela se vérifie d’autant plus avantageusement dans celui-ci, que l’âme surpasse le corps et le spirituel le temporel en dignité. Jusqu’ici son principal but était de grossir cette colonie par le nombre des hommes dont il moyennait la venue. Maintenant il veut y établir un clergé pour la sanctification des peuples ; c’est pour cela qu’il passe la mer et expose sa vie en ce nouveau trajet, encore qu’il feignit un autre sujet pour son voyage. Il jugea ne devoir pas retarder ce dessein pour deux raisons : la première, parceque les Révérends pères Jésuites se trouvaient pressés de toutes parts pour les missions étrangères et éloignées des sauvages qui sont écartés dans lus bois, ce qui lui faisait craindre assez souvent de n’avoir pas toujours l’assistance spirituelle qu’il aurait souhaité et qu’ils auraient bien désiré lui donner sans ces conjectures ; secondement, le souvenir des desseins de M. Ollier et de tous les messieurs associés, qui avaient toujours eu la vue sur Messieurs du séminaire de St. Sulpice, ainsi qu’ils le lui avaient déclaré, lui fit croire qu’il ne pouvait procurer trop à cette Isle la venue des Ecclésiastiques de cette maison, à cause des biens spirituels et temporels qu’ils y pouvaient faire. Ayant bien pesé toutes ces choses, il les proposa à Mlle Mance, laquelle étant de son même sentiment, il se détermina d’aller trouver cette année feu M. Ollier, l’illustre fondateur du séminaire de St. Sulpice ! afin de lui demander des messieurs de son séminaire pour le soin de cette isle, comme aussi de faire intervenir messieurs les associés de la compagnie afin de réussir dans sa demande. Que la providence de Dieu est admirable, elle avait choisi ce lieu pour être le sépulcre et pour y enhumer à ce monde plusieurs des enfants de ce digne fondateur et de les faire mourir aux douceurs de l’Europe.