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de ces ennemis du genre humain dont ils furent presque tous taillés en pièces, parmi environ une trentaine qui reçurent ici un asile au lieu de la mort qui leur était bien due ; cette juste punition exécutée, ceux qui avaient été les bourreaux, embarquèrent les Castors de ces perfides, ils mirent ensuite nos Français dans les canots, ils traversèrent le fleuve et après voulant aller par terre, et couper dans les bois jusqu’à Chambly, ils furent contraints d’abandonner une partie de leurs Castors à cause de la pesanteur. Ayant donc abandonné ce qu’ils ne pouvaient porter et ayant coupé leurs canots à coup de hache afin de les rendre inutiles, comme ils font toujours dans de semblables occasions, ils allèrent droit au lieu que nous avons marqué, y étant arrivés, ils crurent que quatre ou cinq lieues de bois dépisteraient assez nos pauvres Français et qu’il n’était pas besoin de les garder désormais si étroitement, mais ils se trompèrent, car un d’eux s’échappa et se sauva si heureusement, qu’il revint droit aux canots qu’ils avaient laissés, où choisissant le meilleur, il remplit d’herbes les trous que l’on avait faits avec la hache, ensuite il y mit plusieurs robes de Castor et s’en vint ainsi équipé au Montréal tout au travers du fleuve, ce qui surprit agréablement M. de Maison-Neufve qui fut bien heureux que celui la fut du moins échappé des tourments Iroquois.

Cet homme raconta toute son infortune, après quoi il dit qu’il y avait bien du castor, dans le lieu où il avait pris celui qu’il avait amené dans son canot, qu’on le pouvait aller chercher sans crainte et qu’il serait perdu si on y allait pas ; M. de Maison-Neufve en l’entendant parler de la sorte, encore qu’il ne voulait rien pour lui, fut bien aise de donner ce butin à ces soldats, si bien qu’il l’envoya et le leur distribua sans en rien retenir ; c’est une chose admirable combien cet homme a toujours aimé ceux qu’il a commandés et combien il ne s’est pas considéré lui-même. Voilà à peu près comme les choses se sont passées cette année jusqu’à l’arrivée des vaisseaux de France, dont on eut ici les premières nouvelles par M. de Montmagny qui arriva au commencement de juillet, comblant tout le monde d’une joie bien singulière, tant pour les secours qui nous venaient de France, que pour les témoignages qu’il assura que le roi donnait de sa bienveillance à la compagnie de Montréal, pour laquelle il avait pris la peine de lui écrire, afin qu’il la favorisa en ses desseins, louant et approuvant les dépenses pour y construire un fort, — lui donnant le pouvoir de la munir de canons et autres choses nécessaires pour la guerre ; disant de plus que sa majesté pour une marque plus authentique de la sincérité de ses affections l’avait gratifié d’un beau navire de trois cent cinquante — qu’il s’appelait : « Le Notre-Dame » . On apprit encore de M. de Montmagny