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le changement n’ait pas lieu de l’être au non-être, ni du non-être à l’être, mais qu’il résulte ou d’un simple déplacement des parties, ce qui est le plus ordinaire, ou de l’adjonction, du retranchement de certaines particules. Il suit de là que ce qui n’admet pas en soi de transformation est impérissable, ne participe en rien à la nature de ce qui change, en un mot, a des dimensions et des formes invariablement déterminées. Ce qui prouve qu’il en est ainsi, c’est que, même dans les transformations qui ont lieu sous nos yeux par suite du retranchement de certaines parties, nous pouvons reconnaître la forme de ces parties constitutives, tandis que les qualités qui ne sont pas constitutives[1] ne persistent pas comme la forme, mais périssent dans la dissolution de l’ensemble. Les attributs que nous avons indiqués[2] suffisent pour expliquer toutes les différences des complexes ; car il faut nécessairement laisser subsister quelque chose d’indestructible pour que tout ne se résolve pas dans le non-être.

Du reste, on ne doit pas croire qu’il y ait des atomes de toute grandeur, si l’on ne veut se mettre en contradiction avec les phénomènes. Mais il faut admettre qu’il y en a de grandeurs différentes, car, cela étant, il est bien plus facile de rendre compte des impressions et des sensations. Toutefois, je le répète, il n’est pas nécessaire, pour expliquer les différences des qualités, d’attribuer aux atomes toute espèce de dimensions.

Ne t’imagine pas non plus que l’atome puisse devenir visible pour nous[3] ; car d’abord on ne voit pas que cela ait lieu, et ensuite on ne peut pas même concevoir comment l’atome deviendrait visible. En outre, il ne faut pas croire que dans un corps fini il y ait des particules de toute espèce et en nombre infini. Par conséquent, on doit non-seulement rejeter la divisibilité à l’infini en parcelles de plus en plus petites, pour ne pas réduire toutes choses à rien et n’être pas forcé d’admettre que, dans une masse composée d’une foule d’éléments, l’être puisse se ramener au non-être ; mais on ne peut pas même sup-

  1. Elles résultent seulement de la disposition des parties et ne constituent pas le sujet à titre d’éléments.
  2. Forme, pesanteur, étendue.
  3. Ici encore il faut, pour avoir un sens raisonnable, rétablir le texte des manuscrits : Ἀφῖχθαί τε ἀμέλει καὶ πρὸς ἡτᾰς ὁρατὰς ἀτόμους.