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le criterium qu’on adopte, soit qu’on prenne pour règle les données des sens ou en général la perception actuelle, soit qu’on s’en tienne à l’idée elle-même[1] ou à tout autre criterium.

Il faut aussi noter avec soin les impressions que nous éprouvons en présence des objets, afin de nous y reporter dans les circonstances où il est nécessaire de suspendre le jugement, ou bien lorsqu’il s’agit de choses dont l’évidence n’est pas immédiatement perçue.

Ces bases une fois posées, on peut passer à l’étude des choses dont l’évidence n’est pas immédiate. Et d’abord on doit admettre que rien ne vient du non-être ; car autrement tout viendrait de tout, sans qu’il y eût aucun besoin de germes. Si, d’un autre côté, ce qui disparaît à nos yeux était détruit absolument et passait au non-être, toutes choses seraient anéanties, puisqu’il ne resterait aucuns éléments dans lesquels elles se seraient résolues. Il est certain que l’univers a toujours été et sera toujours tel qu’il est actuellement ; car il n’y a rien en quoi il puisse se transformer, puisqu’en dehors de l’univers il n’y a rien qui puisse pénétrer en lui et y produire quelque changement.

[ Il établit les mêmes principes au commencement du Grand Abrégé et dans le premier livre du traité de la Nature[2].]

Il n’y a point de place pour le non-être dans l’univers[3] ; car les sens nous attestent partout et toujours que les corps sont réellement, et le témoignage des sens doit être, comme je l’ai dit plus haut, la règle de nos raisonnements sur ce qui n’est pas immédiatement perçu. D’ailleurs, si ce que nous appelons vide, espace, nature intangible, n’avait pas une existence réelle, il n’y aurait pas quelque chose où les corps pussent être contenus, à travers quoi ils pussent se mouvoir comme nous les voyons se mouvoir en réalité. Ajoutons à cela qu’on ne peut concevoir ni en vertu de la perception, ni en vertu d’une analogie fondée sur la perception, aucune qualité générale, propre à tous les êtres, qui ne soit ou un attribut, ou un accident du corps, ou du vide.

  1. Épicure distingue partout et avec raison, la perception de la conception ; la première s’impose à nous, elle est impersonnelle, la conception s’appuie il est vrai sur la perception, mais il y entre toujours quelque élément personnel, et de là l’erreur.
  2. Remarque de Diogène.
  3. Manuscrits : Τὸ πᾶν ἐστι. Σώματα μὲν γάρ ὡςκ. τ. λ.