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ne sont pas capables de mémoire[1]. En effet par eux-mêmes ils ne sont cause d’aucun mouvement, et lorsqu’ils ont reçu une impression d’une cause extérieure, ils ne peuvent rien y ajouter ni en retrancher. De plus, leurs données sont au-dessus de tout contrôle ; car une sensation ne peut pas en juger une autre semblable à elle-même ; elles ont toutes deux une égale valeur ; elle ne juge pas davantage une sensation différente ; leurs objets n’étant pas les mêmes ; en un mot un sens n’en contrôle pas un autre, puisque les données de tous s’imposent également à nous. Le raisonnement ne peut pas davantage prononcer sur les sens ; car nous avons dit que tout raisonnement a la sensation pour base. La réalité et l’évidence de la sensation établissent la certitude des sens ; car les impressions de la vue et de l’ouïe sont tout aussi réelles, aussi évidentes que la douleur.

« Il résulte de là que nous devons juger des choses obscures, par analogie avec celles que nous percevons directement. En effet toute notion dérive des sens, ou directement ou en vertu d’une proportion[2], d’une analogie, d’une composition ; le raisonnement toutefois a une part dans ces dernières opérations. Les visions de la folie et du sommeil ont un objet réel ; car elles agissent sur nous, et ce qui n’a pas de réalité ne produit aucune action. »

Par prénotion les épicuriens entendent une sorte de conception, une notion vraie, une opinion, une idée générale qui subsiste en nous, en d’autres termes le

  1. C’est-à-dire qu’ils ne raisonnent pas, et n’ajoutent rien aux impressions reçues, la mémoire étant la condition de tout raisonnement.
  2. C’est-à-dire si, en conservant l’image reçue, on accroît ou diminue les proportions.