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leurs drames. Il s’associait lui-même dans la composition de ses tragédies Alexandre et Homère[1]. Lorsqu’il était dérangé par les caquetages des servantes et les aboiements des chiens, il ne faisait plus rien ; car il voulait avant tout la tranquillité. On raconte qu’Aratus lui ayant demandé comment il pourrait se procurer un Homère correct et fidèle, il répondit qu’il fallait chercher un vieil exemplaire qui n’eût pas été revu et corrigé. Quant à lui, ses ouvrages traînaient au hasard, souvent en lambeaux. Il faisait un jour une lecture à Zopyre le rhéteur, et tout en déroulant le volume il lui citait les passages qui se présentaient, lorsque arrivé au milieu il trouva une lacune dont il ne s’était pas encore aperçu, tant il était indifférent à cet égard. Sa complexion était tellement vigoureuse, qu’il voulait qu’on supprimât le dîner. On raconte que voyant un jour Arcésilas traverser la place des Cercopes[2], il lui cria : « Que viens-tu faire ici au milieu de nous autres hommes libres ? »

À ceux qui invoquaient le témoignage de l’intelligence pour juger les sens, il disait fréquemment :

Attagas et Numénius se sont réunis[3].

Ce ton railleur lui était du reste habituel. Il dit un jour à un homme qui s’étonnait de tout : « Pourquoi ne t’étonnes-tu pas de ce qu’étant trois nous n’ayons que quatre yeux ? » En effet, l’interlocuteur avait bien ses deux yeux, mais Timon était borgne ainsi que Dioscoride son disciple. Une autre fois Arcésilas lui demandait pourquoi il était revenu de Thèbes : « C’est,

  1. Deux poëtes membres de la pléiade tragique.
  2. Des Gueux.
  3. C’est-à-dire l’accord de l’intelligence et des sens ne sera pas de longue durée : Attagas et Numénius étaient deux insignes brigands.