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certaines choses ; dans cette phrase par exemple : Le pirate n’est pas plus méchant que le menteur. Mais les sceptiques les prennent dans un sens purement négatif, comme quand on conteste une chose et qu’on dit : Il n’y a pas plus de Scylla que de Chimère. Le mot plus exprime aussi la comparaison : Le miel est plus doux que le raisin. Il peut encore avoir une signification tout à la fois affirmative et négative ; ainsi cette phrase : La vertu est plus utile que nuisible, signifie que la Vertu est utile et qu’elle n’est pas nuisible. Du reste les sceptiques supprimaient même le principe : Pas plus une chose qu’une autre. « De même, disaient-ils, que la proposition : Il y a une providence, n’est pas plus vraie que fausse, de même aussi il n’y a pas plus de vérité que de fausseté dans le principe : Pas plus une chose qu’une autre. » Ces mots expriment simplement, suivant Timon dans le Python, l’absence de toute affirmation, l’abstention du jugement. De même aussi cette proposition : À toute raison, etc., entraîne la suspension du jugement ; car du moment où, les choses étant différentes, les raisons opposées ont la même valeur, il s’ensuit que la vérité ne peut être connue.

Du reste à cette assertion elle-même est opposée une assertion contraire, qui, après avoir détruit toutes les autres, se tourne contre elle-même et se détruit, semblable à ces purgatifs qui, après avoir débarrassé l’estomac, sont rejetés eux-mêmes sans laisser de traces. Aussi les dogmatiques prétendent-ils que tous ces raisonnements, bien loin d’ébranler l’autorité de la raison, ne font que la confirmer. À cela les sceptiques répondent qu’ils ne se servent de la raison que comme d’un instrument, parce qu’il n’est pas possible de renverser l’autorité de la raison sans employer la raison.