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mairien prétend qu’au dire d’un certain Croton, dans le Plongeur, le livre avait été apporté pour la première fois en Grèce par un nommé Cratès et que c’était lui qui disait qu’il faudrait être plongeur de Délos pour ne pas étouffer dans cet ouvrage. On lui a donné différents titres : les uns l’intitulent les Muses ; d’autres, de la Nature ; Dioclès le désigne ainsi :


Un sûr gouvernail pour la conduite de la vie.


Quelques-uns l’appellent : la Science des mœurs, l’ordre des changements de l’unité, l’ordre des changements de toutes choses[1].

On dit que quelqu’un ayant demandé à Héraclite pourquoi il gardait le silence, il répondit : « Pour te faire parler. » Darius désirant s’entretenir avec lui, lui écrivit la lettre suivante :

LE ROI DARIUS, FILS D’HYSTASPE, AU PHILOSOPHE HÉRACLITE D’ÉPHÈSE, SALUT.

Tu as composé un traité sur la nature, difficile à comprendre et à expliquer. Quelques passages, interprétés conformément à tes expressions, paraissent renfermer une théorie de l’ensemble de l’univers, des phénomènes qu’il embrasse et des mouvements divins qui s’y accomplissent ; mais le plus souvent l’esprit reste en suspens, et ceux-là même qui ont le plus étudié ton ouvrage ne peuvent démêler exactement le sens de tes paroles. Aussi le roi Darius, fils d’Hystaspe, désire-t-il t’entendre et être initié par toi à la science des Grecs. Viens donc au plus tôt et que je te voie dans mon palais. Les Grecs en général n’accordent pas aux savants toute l’estime qu’ils méritent ; ils dédaignent leurs nobles enseignements, dignes cependant d’une étude sérieuse et attentive. Auprès de moi, au contraire, aucun honneur ne te manquera ; tu y trouveras chaque jour d’honorables entretiens, un auditeur dévoué et cherchant à régler sa conduite sur tes préceptes.

  1. Je lis avec Schleiermacher ἕνος ἢ ξυμπάντων (henos ê xumpantôn).