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dans une taverne, et, voyant qu’il se retirait pour se cacher, il lui dit : « Tu n’en seras que plus avant dans la taverne. » Une autre fois, des étrangers lui ayant demandé à voir Démosthène, il leur dit en étendant avec mépris le doigt du milieu : « Tenez, voici l’orateur des Athéniens[1]. »

Il vit un jour un homme qui rougissait de ramasser un morceau de pain qu’il avait laissé tomber ; pour lui donner une leçon, il se mit à traîner sur la place du Céramique un goulot de bouteille attaché avec une corde. Il disait qu’il faisait comme les chefs d’orchestre, qui forcent le ton pour que les autres puissent arriver au ton convenable. Il prétendait que la plupart des hommes étaient fous à un doigt près, puisqu’on traitait de fous ceux qui marchaient le doigt du milieu tendu, mais non ceux qui tendaient le petit doigt. Il remarquait aussi que les choses les plus précieuses se vendaient à vil prix et réciproquement ; qu’une statue coûtait trois mille drachmes et qu’on achetait un chénix de farine pour deux pièces de billon.

Lorsque Xéniade l’eut acheté, Diogène lui dit : « Veille à bien faire ce que je t’ordonnerai. — Les fleuves remontent vers leur source, reprit Xéniade. — Si, étant malade, répliqua Diogène, tu avais acheté un médecin, répondrais-tu, au lieu de lui obéir, que les fleuves remontent vers leur source ? »

Quelqu’un lui ayant demandé à devenir son disciple, il lui donna à porter un mauvais poisson avec ordre de le suivre ; mais le néophyte, honteux de cette épreuve, jeta le poisson et s’en alla. À quelque temps

  1. Montrer quelqu’un avec le doigt du milieu était signe d’un souverain mépris ou de folie.