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ZÉNON.


la modestie et la pureté ; à la joie, le contentement, la gaieté, la bonne humeur.

Les stoïciens prétendent que le sage est sans passions, parcequ’il est exempt de fautes. Ils distinguent cette apathie d’une autre mauvaise qui ressemble à celle-ci, et qui est celle des gens durs, et que rien ne touche. Ils disent encore que le sage est sans orgueil, parcequ’il n’estime pas plus la gloire que le déshonneur ; mais qu’il y a un autre mauvais mépris de l’orgueil, qui consiste à ne pas se soucier comment on agit. Ils attribuent l’austérité aux sages, parcequ’ils ne cherchent point à paraître voluptueux dans leur commerce, et qu’ils n’approuvent pas ce qui part des autres et porte ce caractère. Ils ajoutent qu’il y a une autre austérité, qu’on peut comparer au vin rude dont on se sert pour les médecines, mais qu’on ne présente point à boire. Ils disent encore que les sages sont éloignés de tout déguisement, qu’ils prennent garde à ne se pas montrer meilleurs qu’ils ne sont par un extérieur composé, sous lequel on cache ses défauts et on n’étale que ses bonnes qualités. Ils n’usent point de feintes, ils la bannissent même de la voix et de la physionomie.

Ils ne se surchargent point d’affaires, et sont attentifs à ne rien faire qui soit contraire à leur devoir. Ils peuvent boire du vin, mais ils ne s’enivrent pas ; ils ne se livrent pas non plus à la fureur. Cependant il peut arriver qu’ils aient de monstrueuses imaginations, excitées par un excès de bile, ou dans un transport de délire ; non par une conséquence du système qu’ils suivent, mais par un défaut de nature. Ils ne s’affligent point, parceque la tristesse est une contraction déraisonnable de l’âme, comme dit Apollodore dans sa Morale. Ce sont des esprits célestes, qui ont comme un génie qui réside au-dedans d’eux-mêmes ; en cela bien différents des méchants, lesquels sont privés de cette présence de la Divinité. De là vient qu’un homme peut être dit athée de deux manières : ou parcequ’il a des inclinations qui le mettent en opposition