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ZÉNON.


à un bel homme, qui ne pouvait se figurer que le sage dût avoir de l’amour : Il n’y a rien de plus misérable que l’homme qui brille par la beauté du corps. Il accusait la plupart des philosophes de manquer de sagesse dans les grandes choses, et d’expérience dans les petites, et qui sont sujettes au hasard. Il citait Caphésius sur ce qu’entendant un de ses disciples entonner un grand air de musique, il lui donna un coup pour lui apprendre que ce n’est pas dans la grandeur d’une chose que consiste sa bonté ; mais que sa bonté est renfermée dans sa grandeur. Un jeune drôle disputait plus hardiment qu’il ne lui convenait : Jeune homme, lui dit Zénon, je ne te dirai pas ce que j’ai rencontré aujourd’hui. On raconte qu’un autre jeune homme rhodien, beau, riche, mais qui n’avait point d’autre mérite, vint se fourrer parmi ses disciples. Zénon, qui ne se souciait pas de le recevoir, le fit d’abord asseoir sur les degrés, qui étaient pleins de poussière, afin qu’il y salît ses habits. Ensuite il le mit dans la place des pauvres, à dessein d’achever de gâter ses ajustements, jusqu’à ce qu’enfin le jeune homme, rebuté de ces façons, prit le parti de se retirer.

Il disait que rien ne sied plus mal que l’orgueil, surtout aux jeunes gens ; et qu’il ne suffit pas de retenir les phrases et les termes d’un bon discours, mais qu’il faut s’appliquer à en saisir l’esprit, afin de ne pas le recevoir comme on avale un bouillon, ou quelque autre aliment. Il recommandait la bienséance aux jeunes gens dans leur démarche, leur air et leur habillement, et leur citait fréquemment ces vers d’Euripide sur Capanée :

Quoiqu’il eût de quoi vivre, il ne s’enorgueillissait pas de sa fortune ; il n’avait pas plus de vanité que n’en a un nécessiteux.

Zénon soutenait que rien ne rend moins propre aux sciences que la poésie, et que le temps était de toutes les choses celle dont nous avons le plus besoin. Interrogé sur ce qu’est un ami, il dit que c’était un antre soi-même.