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Ce n'est plus son sourire adorable ou sa grâce
Qui de loin me traverse en creusant mon regret ;
Ma raison, aujourd'hui, sans trouble évoquerait
Les boucles, les regards et la bouche ravie
Où j'avais cru noués tous les fils de ma vie.
Fantôme d'autrefois, à jamais détrôné,
Je souris à mon tour, et je t'ai pardonné.
Cheveux que les parfums choisissaient pour image,
Prunelles, dont jadis je m'étais cru le mage,
Lèvres qui m'emplissiez de chants intérieurs,
Anciennes visions qui revivez ailleurs !
Non, je n'ai jamais vu ni pleuré vos reliques ;
Mon destin n'avait pas, ô contours chimériques !
Sondé les profondeurs blêmes du désespoir,
Et, corbeau funéraire au fond d'un vieux manoir,
Sinistre suzerain des demeures désertes,
Dans les cendres traîné ses ailerons inertes.
Vous m'aviez abusé, mes pleurs avaient menti ;
Je n'avais pas souffert ; je n'avais pas senti
Tes ongles sous ma peau, tes flammes dans mes veines,
Amour, dieu languissant, couronné de verveines !
Seulement ce soir-là j'ai compris, et j'ai bu
Les philtres abhorrés d'un hanap inconnu.
En un instant, ce soir, des siècles d'amertume
Ont en moi refoulé leur dévorante écume ;
Et je sais à présent, et pour l'éternité,
Ce que c'est que le poids d'un cœur épouvanté
Où tu trônes, muet, tendant tes sombres ailes,
Amour, dieu frémissant, couronné d'immortelles !