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NOTICE

SUR
CARLE VAN LOO
1765 (1)[1]
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Carle Van Loo, premier peintre du roi, chevalier de l’ordre de Saint-Michel, directeur et recteur de l’Académie royale de Peinture, et directeur de l’École royale des élèves protégés par le roi, est mort ce matin subitement, des suites d’une apoplexie, âgé d’environ soixante ans[2]. Il avait été la veille à la Comédie-Italienne. Nous sommes en train de perdre, et voilà encore un homme célèbre de moins. Il ne faudrait pas que cela continuât, car douze ou quinze hommes de différents talents de moins dans la nation feraient un vide considérable, et influeraient sur la réputation de la France : la gloire d’un peuple et d’un siècle est toujours l’ouvrage d’un petit nombre de grands hommes, et disparaît avec eux. L’Académie de Peinture a perdu en moins de six mois ses deux plus grands artistes : Van Loo et Deshays, et ces pertes ne seront pas faciles à réparer. Carle Van Loo n’était pas seulement le premier peintre du roi, mais aussi de la nation ; il avait quelque réputation chez les étrangers. Ses ouvrages sont éparpillés ici dans les églises et dans les cabinets des particuliers. Les Augustins de la place des Victoires, appelés les Petits-Pères, ont de lui une suite de la vie de saint Augustin, dont le chœur de leur église est orné. Mme  Geoffrin a de lui plusieurs tableaux de chevalet d’un grand prix. Celui qu’on appelle la Conversation eut un grand succès dans sa nouveauté, et a toujours conservé sa réputation ; celui de la Lecture a moins réussi. Mme  Geoffrin présidait alors à ces ouvrages, et c’étaient tous les jours des scènes à mourir de

  1. Correspondance de Grimm, 15 juillet 1765.
  2. Il était né à Nice en 1705.