Page:Diderot - Oeuvres completes, Garnier, T13-14.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
NOTICE PRÉLIMINAIRE. 115

Telle fut d’abord l’impression générale. Clément est aussi satisfait de la Lettre[1] qui accompagnait. l’article Art, tiré à part, à l’adresse du P. Berthier.

« Ce n’est pas tout à fait le défaut[2], dit-il, qu’on lui reproche dans l’échantillon qu’il vient de nous donner de son Encyclopédie, mais bien un ton un peu trop haut, un style tendu qui nous laisse trop voir le travail des muscles. Au surplus, le morceau est excellent et digne d’être envoyé pour toute réponse aux jésuites du Journal de Trévoux, qui ont attaqué son Prospectus. La lettre dont il l’accompagne, adressée au Père Berthier, chef des journalistes, est pleine de feu, de sel et d’agrément. Vous en aurez tout le plaisir, rien ne vous échappera des allusions, vous êtes au fait des anecdotes. »

La réaction commence timidement. Le même Clément trouve bientôt que Diderot est « verbeux, dissertateur, enclin à la digression ». Il ajoute : « Qu’il y prenne garde, il va nous faire un ou deux in-folio de trop. » Puis, plus loin : « Vous l’aviez dit, monsieur, qu’avec son imagination vagabonde et scientifique, M. Diderot nous inonderait de mots et de phrases : c’est le cri du public contre àon premier volume ; mais un fonds de choses infiniment riche et un grand goût de bonne philosophie qui le fait valoir couvrent toutes ces superfluités. D’ailleurs, M. Diderot ne répond que de ses propres articles. Après tout, j’aime mieux l’excès que le défaut ; le superflu de l’un est souvent le nécessaire de l’autre. » Enfin, il cite de petits vers contre

Ce possesseur de l’ Encyclopédie,
Pic de clartés, puits d’érudition ;


et un vaudeville où l’on fait dialoguer Diderot, son libraire et son colporteur. Celui-ci s’écrie :

J’apporte le premier volume
Du dictionnaire nouveau
Il sort, comme on dit, de l’enclume ;
On l’a fait à coups de marteau.
Son poids m’ôterait le courage
D’en être souvent le porteur
Malheur à ce coquin d’ouvrage,
S’il pèse autant à son lecteur !

Petits vers, petite guerre devaient bientôt être remplacés par quelque chose de plus sérieux. La thèse de l’abbé de Prades allait être l’occasion d’un soulèvement général, non pas seulement contre l’abbé, mais contre l’ Encyclopédie, à laquelle il avait fourni quelques articles.

  1. Voir ci-après, p. 165.
  2. Celui de pédanterie.