Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.

jamais boudé), je pris mon parti, et je me disposai à m’en aller ; j’avais engagé ma parole en présence de tant de monde, qu’il fallait bien la tenir. Je fus un temps considérable à rôder dans l’appartement, cherchant ma canne et mon chapeau où ils n’étaient pas, et comptant toujours que le patron se répandrait dans un nouveau torrent d’injures, que quelqu’un s’interposerait, et que nous finirions par nous raccommoder à force de nous fâcher. Je tournais, car moi je n’avais rien sur le cœur ; mais le patron, lui, plus sombre et plus noir que l’Apollon d’Homère lorsqu’il décoche ses traits sur l’armée des Grecs, son bonnet une fois plus renfoncé que de coutume, se promenait en long et en large, le poing sous le menton. Mademoiselle s’approche de moi : « Mais, mademoiselle, qu’est-ce qu’il y a donc d’extraordinaire ? ai-je été différent aujourd’hui de moi-même ? — Je veux qu’il sorte. — Je sortirai. Je ne lui ai pas manqué. — Pardonnez-moi ; on invite monsieur l’abbé, et… — C’est lui qui s’est manqué à lui-même en invitant l’abbé, en me recevant, et avec moi tant d’autres bélîtres. Moi… — Allons, mon petit…, il faut demander pardon à monsieur l’abbé. ― Je n’ai