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n’est qu’un charivari de toutes sortes de bruits confus, le ramage barbare des habitants de la tour de Babel.

Il nous vient aussi un certain niais, qui a l’air plat et bête, mais qui a de l’esprit comme un démon, et qui est plus malin qu’un vieux singe. C’est une de ces figures qui appellent la plaisanterie et les nasardes, et que Dieu fit pour la correction des gens qui jugent à la mine, et à qui leur miroir aurait dû apprendre qu’il est aussi aisé d’être un homme d’esprit et d’avoir l’air d’un sot, que de cacher un sot sous une physionomie spirituelle. C’est une lâcheté bien commune que celle d’immoler un bon homme à l’amusement des autres ; on ne manque jamais de s’adresser à celui-là. C’est un piége que nous tendons aux nouveaux venus, et je n’en ai presque pas vu un seul qui n’y donnât…

(J’étais quelquefois surpris de la justesse des observations du fou sur les hommes et sur les caractères, et je le lui témoignai.) C’est, me répondit-il, qu’on tire parti de la mauvaise compagnie comme du libertinage : on est dédommagé de la perte de son innocence par celle de ses préjugés : dans la société des méchants, où