Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.

soie de la rue Saint-Denis ou Saint-Honoré, un bon épicier en gros, un apothicaire bien achalandé, il eût amassé une fortune immense, et qu’en l’amassant il n’y aurait eu sorte de plaisirs dont il n’eût joui ; qu’il aurait donné de temps en temps la pistole à un pauvre diable de bouffon comme moi qui l’aurait fait rire, qui lui aurait procuré parfois de jolies filles ; que nous aurions fait d’excellents repas chez lui, joué gros jeu, bu d’excellents vins, d’excellentes liqueurs, d’excellent café, fait des parties de campagne ; et vous voyez que je m’entendais. Vous riez ?… mais laissez-moi dire : il eût été mieux pour ses entours.

MOI. — Sans contredit. Pourvu qu’il n’eût pas employé d’une façon déshonnête l’opulence qu’il aurait acquise par un commerce légitime ; qu’il eût éloigné de sa maison tous ces joueurs, tous ces parasites, tous ces fades complaisants, tous ces fainéants, tous ces pervers inutiles, et qu’il eût fait assommer à coups de bâton, par ses garçons de boutique, l’homme officieux qui soulage par la variété les maris du dégoût d’une cohabitation habituelle avec leurs femmes.

LUI. — Assommer, monsieur, assommer !