Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le passage suivant que j’ai lu quelque part : Musices seminarium accentus, l’accent est la pépinière de la mélodie. Jugez de là de quelle difficulté et de quelle importance il est de savoir bien faire le récitatif ! Il n’y a point de bel air dont on ne puisse faire un beau récitatif, et point de beau récitatif dont un habile homme ne puisse faire un bel air. Je ne voudrais pas assurer que celui qui récite bien chantera bien ; mais je serais surpris que celui qui chante bien ne sût pas bien réciter. Et croyez tout ce que je vous dis là, car c’est le vrai.

MOI. — Je ne demanderais pas mieux que de vous en croire, si je n’étais arrêté par un petit inconvénient.

LUI. — Et cet inconvénient ?

MOI. — C’est que si cette musique est sublime, il faut que celle du divin Lulli, de Campra, de Destouche, de Mouret, et même, soit dit entre nous, celle du cher maître, soit un peu plate.

LUI, s’approchant de mon oreille, me répondit : — Je ne voudrais pas être entendu, car il y a ici beaucoup de gens qui me connaissent : c’est qu’elle l’est aussi. Ce n’est pas que je me soucie du cher maître, puisque cher il y a ; c’est