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MOI. — L’histoire des grands personnages m’a toujours intéressé.

LUI. — Je le crois bien. Celui-ci vivait chez un bon et honnête de ces descendants d’Abraham, promis au père des croyants en nombre égal à celui des étoiles.

MOI. — Chez un juif ?

LUI. — Chez un juif. Il avait d’abord surpris la commisération, ensuite la bienveillance, enfin la confiance la plus entière ; car voilà comme on arrive toujours : nous comptons tellement sur nos bienfaits, qu’il est rare que nous cachions notre secret à celui que nous avons comblé de nos bontés ; le moyen qu’il n’y ait pas d’ingrats, quand nous exposons l’homme à la tentation de l’être impunément ? C’est une réflexion juste que notre juif ne fit pas. Il confia donc au renégat qu’il ne pouvait en conscience manger du cochon. Vous allez voir tout le parti qu’un esprit fécond sut tirer de cet aveu. Quelques mois se passèrent pendant lesquels notre renégat redoubla d’attention ; quand il crut son juif bien touché, bien captivé, bien convaincu par ses soins qu’il n’avait pas un meilleur ami dans toutes les tribus d’Israël… Admirez la