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liv. & au bout de vingt ans, fixée pour toujours à 300 liv. le tout sans repas & sans autres cérémonies. Les sommes payables par les nouveaux maîtres, pendant l’espace de vingt ans, seroient employées au profit des anciens, tant pour acquitter les dettes de leur communauté, que pour leur capitation particuliere, & cela pour les dédommager d’autant ; mais dans la suite, les sommes qui viendroient des nouvelles receptions, & qui seroient payées également par tous les sujets, fils de maîtres & autres, seroient converties en octrois à l’avantage des habitans, & non-dissipées, comme aujourd’hui, en Te Deum, en pains benis, en repas, en frairies, &c.

Au reste, je crois qu’en attendant la franchise dont il s’agit, on pourroit établir dès-à-présent un marché franc dans les grandes villes, marché qui se tiendroit quatre ou cinq fois par an, avec une entiere liberté d’y apporter toutes marchandises non-prohibées ; mais avec cette précaution essentielle, de ne point assujettir les marchands à se mettre dans certains bâtimens, certains enclos, où l’étalage & les loyers sont trop chers.

Outre l’inconvénient qu’ont les maîtrises de nuire à la population, comme on l’a montré ci-devant, elles en ont un autre qui n’est guere moins considérable, elles font que le public est beaucoup plus mal servi. Les maîtrises, en effet, pouvant s’obtenir par faveur & par argent, & ne supposant essentiellement ni capacité, ni droiture dans ceux qui les obtiennent ; elles sont moins propres à distinguer le mérite, ou à établir la justice & l’ordre parmi les ouvriers & les négocians, qu’à perpétuer dans le commerce l’ignorance & le monopole : en ce qu’elles autorisent de mauvais sujets qui nous font payer ensuite, je ne dis pas seulement les frais de leur réception, mais encore leurs négligences & leurs fautes.

D’ailleurs la plûpart des maîtres employant nombre d’ouvriers, & n’ayant sur eux qu’une inspection générale & vague, leurs ouvrages sont rarement aussi parfaits qu’ils devroient l’être ; suite d’autant plus nécessaire que ces ouvriers subalternes sont payés maigrement, & qu’ils ne sont pas fort intéressés à ménager des pratiques pour les maîtres ; ne visant communément qu’a passer la journée, ou bien à expédier beaucoup d’ouvrages, s’ils sont, comme l’on dit, à leurs pieces ; au lieu que s’il étoit permis de bien faire à quiconque en a le vouloir, plusieurs de ceux qui travaillent chez les maîtres, travailleroient bientôt pour leur compte ; & comme chaque artisan pour lors seroit moins chargé d’ouvrage, & qu’il voudroit s’assûrer des pratiques, il arriveroit infailliblement que tel qui se néglige aujourd’hui en travaillant pour les autres, deviendroit plus soigneux & plus attaché dès qu’il travailleroit pour lui-même.

Enfin le plus terrible inconvénient des maîtrises, c’est qu’elles sont la cause ordinaire du grand nombre de fainéans, de bandits, de voleurs, que l’on voit de toutes parts ; en ce qu’elles rendent l’entrée des arts & du négoce si difficile & si pénible, que bien des gens, rebutés par ces premieres obstacles, s’éloignent pour toujours des professions utiles, & ne subsistent ordinairement dans la suite que par la mendicité, la fausse monnoie, la contrebande, par les filouteries, les vols & les autres crimes. En effet, la plûpart des malfaiteurs que l’on condamne aux galeres, ou que l’on punit du dernier supplice, sont originairement de pauvres orphelins, des soldats licenciés, des domestiques hors de place, ou sels autres sujets isolés, qui n’ayant pas été mis à des métiers solides, & qui trouvant des obstacles perpétuels à tout le bien qu’ils pourroient faire, se voient par-là comme entraînés dans une suite affreuse de crimes & de malheurs.

Combien d’autres gens d’especes différentes, hermites, soufleurs, charlatans, &c. combien d’aspirans à des professions inutiles ou nuisibles, qui n’ont d’autre vocation que la difficulté des arts & du commerce, & dont plusieurs sans bien & sans emploi ne sont que trop souvent réduits à chercher, dans leur désespoir, des ressources qu’ils ne trouvent point par-tout ailleurs ?

Qu’on favorise le commerce, l’agriculture & tous les arts nécessaires, qu’on permette à tous les sujets de faire valoir leurs biens & leurs talens, qu’on apprenne des métiers à tous les soldats, qu’on occupe & qu’on instruise les enfans des pauvres, qu’on fasse regner dans les hôpitaux l’ordre, le travail & l’aisance, qu’on reçoive tous ceux qui s’y présenteront, enfin qu’on renferme & qu’on corrige tous les mendians valides, bientôt au lieu de vagabonds & de voleurs si communs de nos jours, on ne verra plus que des hommes laborieux ; parce que les peuples trouvant à gagner leur vie, & pouvant éviter la misere par le travail, ne seront jamais réduits à des extrémités fâcheuses ou funestes.

Pauciores alantur otio, reddatur agricolatio, lanificium instauretur, ut sit honestum negotium quo se utiliter exerceat otiosa ista turba, vel quos hactenùs inopia fures facit, vel qui nunc errones aut otiosi sunt ministri, fures nimirum utrique futuri. Lib. I. Eutopiæ. Article de M. Faiguet de Villeneuve.

MAJUMA, (Littérat.) ce mot désigne les jeux ou fêtes que les peuples des côtes de la Palestine célébroient, & que les Grecs & les Romains adopterent dans la suite. Les jurisconsultes ont eu tort de dériver ce mot du mois de Mai ; il tire son origine d’une des portes de la ville de Gaza, appellée majuma, du mot phénicien maim, qui signifie les eaux. La fête n’étoit d’abord qu’un divertissement sur l’eau que donnoient les pêcheurs & les bateliers, qui tâchoient, par cent tours d’adresse, de se faire tomber les uns les autres dans l’eau, afin d’amuser les spectateurs. Dans la suite, ce divertissement devint un spectacle régulier, que les magistrats donnoient au peuple dans certains jours. Ces spectacles ayant dégénéré en fêtes licentieuses, parce qu’on faisoit paroître des femmes toutes nues sur le théâtre, les empereurs chrétiens les défendirent, sans pouvoir néanmoins les abolir entiérement, & les peuples du Nord les continuerent. Le maicamp des Francs, célébré en présence de Charlemagne, & le campus roncaliæ proche de Plaisance où les rois d’Italie se rendoient avec leurs vassaux, conserverent pendant plusieurs siecles la plus grande partie des usages du majuma. (D. J.)

MAJUME, (Mythol.) fête que les Romains célébroient le premier jour de Mai en l’honneur de Maia ou de Flore. L’empereur Claude l’institua, ou plutôt purgea sous son nom l’indécence qui régnoit dans les florales. Mais comme la majume se solemnisoit avec beaucoup de somptuosité, soit en festins, soit en offrandes, au rapport de Julien ; elle dégénéra bientôt des regles de son institution, & jamais il ne fut possible d’en arrêter les abus.

Les historiens prétendent que la fête majume duroit sept jours, qu’elle se célébroit originairement à Ostie sur le bord du Tibre & de la mer, & qu’elle se répandit au troisieme siecle dans toutes les provinces de l’empire. Bouche dit dans son histoire de Provence que la fête de la Maïe, qui se fait dans plusieurs villes de cette province, n’est qu’un reste de l’ancienne majume. (D. J.)

Majume, ou Majuma, ou la petite Gaza, (Géog.) c’étoit proprement le port de la ville de Gaze. Il étoit ordinaire aux villes trafiquantes, situées à quelque distance de la mer, d’avoir un port pour le magasinage & le commerce, tel étoit Ma-