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suivant laquelle il paroît qu’ils connoissoient des causes personnelles des gens de l’hôtel du roi. Présentement ces sortes d’offices sont presque sans fonction. Ils sont au nombre de quatre ; ils jouissent de tous les privileges des commensaux. (A)

Maître en Chirurgie, c’est le titre qu’on donne à ceux qui ont requis le droit d’exercer la Chirurgie par leur reception au corps des Chirurgiens, après les épreuves nécessaires qui justifient de leur capacité. C’est aux Chirurgiens seuls & exclusivement qu’il appartient d’apprécier le mérite & le savoir de ceux qui se destinent à l’exercice d’un art si important & si difficile. Les lois ont pris les plus sages précautions, & les mesures les plus justes, afin que les études, les travaux & les actes nécessaires, pour obtenir le grade de maître en Chirurgie, fussent suivis dans le meilleur ordre, relativement à l’utilité publique. Nous allons indiquer en quoi consistent ces différens exercices.

Par la déclaration du roi du 23 Avril 1743, les Chirurgiens de Paris sont tenus, pour parvenir à la maîtrise, de rapporter des lettres de maître-ès arts en bonne forme, avec le certificat du tems d’études. On y reconnoît qu’il est important que dans la capitale les Chirurgiens, par l’étude des lettres, puissent acquérir une connoissance plus parfaite des regles d’un art si nécessaire au genre humain ; & cette loi regrette que les circonstances des tems ne permettent pas de l’établir de même dans les principales villes du royaume.

Une déclaration si favorable au progrès de la Chirurgie, & qui sera un monument éternel de l’amour du roi pour ses sujets, a trouvé des contradicteurs, & a été la source de disputes longues & vives, dont nous avons parlé au mot Chirurgien. Les vûes du bien public ont enfin prévalu, & les parlemens de Guyenne, de Normandie & de Bretagne, sans égard aux contestations qui se sont élevées à Paris, ont enregistré des statuts pour les principales villes de leur ressort, par lesquels les frais de réception à la maîtrise en Chirurgie sont moindres en faveur de ceux qui y aspireront, avec le grade de maître-ès-arts. La plûpart des cours souveraines du royaume, en enregistrant les lettres patentes du 10 Août 1756, qui donnent aux Chirurgiens de provinces, exerçans purement & simplement la Chirurgie, les privileges de citoyens notables, ont restreint la jouissance des honneurs & des prérogatives attachées à cette qualité aux seuls Chirurgiens gradués, & qui présenteront des lettres de maître-ès-arts en bonne forme.

Un arrêt du conseil d’état du roi du 4 Juillet 1750, qui fixe entre autres choses l’ordre qui doit être observé dans les cours de Chirurgie à Paris, établis par les bienfaits du roi en vertu des lettres-patentes du mois de Septembre 1724, ordonne que les éleves en Chirurgie seront tenus de prendre des inscriptions aux écoles de saint Côme, & de rapporter des certificats en bonne forme, comme ils ont fait le cours complet de trois années sous les professeurs royaux qui y enseignent pendant l’été ; la premiere année, la Physiologie & l’Hygiene ; la seconde année, la Pathologie générale & particuliere, qui comprend le traité des tumeurs, des plaies, des ulceres, des luxations & des fractures ; & la troisieme, la Thérapeutique ou la méthode curative des maladies chirurgicales ; l’on traite spécialement dans ces leçons de la matiere médicale externe, des saignées, des ventouses, des cauteres, des eaux minérales, considérées comme remedes extérieurs, &c. Pendant l’hiver de ces trois années d’études, les éleves doivent fréquenter assiduement l’école pratique : elle est tenue par les professeurs & démonstrateurs royaux d’anatomie & des opérations, qui tirent des

hôpitaux ou de la basse-geole les cadavres dont ils ont besoin pour l’instruction publique. Il y a en outre un professeur & démonstrateur pour les accouchemens, fondé par feu M. de la Peyronie, premier chirurgien du roi, pour enseigner chaque année les principes de cette partie de la Chirurgie aux éleves séparément du pareil cours, qui, suivant la même fondation, se fait en faveur des sages-femmes & de leurs apprentisses.

Les professeurs des écoles de Chirurgie sont brevetés du roi, & nommés par Sa Majesté sur la présentation de son premier chirurgien. Ils sont permanens, & occupés par état & par honneur à mériter la confiance des éleves & l’applaudissement de leurs collegues. Cet avantage ne se trouveroit point, si l’emploi de professeur étoit passager comme dans d’autres écoles, où cette charge est donnée par le sort & pour un seul cours ; ce qui fait qu’une des plus importantes fonctions peut tomber par le hasard sur ceux qui sont le moins capables de s’en bien acquitter.

Outre les cours publics, il y a des écoles d’Anatomie & de Chirurgie dans tous les hôpitaux, & des maîtres qui, dévoués par goût à l’instruction des éleves, leur font dissequer des sujets, & enseignent dans leurs maisons particulieres l’anatomie, & font pratiquer les opérations chirurgicales.

Il ne suffit pas que l’éleve en chirurgie soit préparé par l’étude des humanités & de la philosophie qui ont dû l’occuper jusqu’à environ dix-huit ans, âge avant lequel on n’a pas ordinairement l’esprit assez formé pour une étude bien sérieuse ; & que depuis il ait fait le cours complet de trois années dans les écoles de chirurgie, on exige que les jeunes Chirurgiens ayent demeuré en qualité d’éleve durant six ans consécutifs chez un maître de l’art, ou chez plusieurs pendant sept années. Dans d’autres écoles qui ont, comme celle de Chirurgie, la conservation & le rétablissement de la santé pour objet, on parvient à la maîtrise en l’art, où, pour parler le langage reçu, l’on est promu au doctorat après les seuls exercices scholastiques pendant le tems prescrit par les statuts. Mais en Chirurgie, on demande des éleves une application assidue à la pratique sous les yeux d’un ou de plusieurs maîtres pendant un tems assez long.

On a reproché aux jeunes Chirurgiens dans des disputes de corps, cette obligation de domicile, qu’on traitoit de servitude, ainsi que la dépendance où ils sont de leurs chefs dans les hôpitaux, employés aux fonctions ministérielles de leur art pour le service des malades. Mais le bien public est l’objet de cette obligation, & les éleves n’y trouvent pas moins d’utilité pour leur instruction, que pour leur avancement particulier. L’attachement à un maître, est un moyen d’être exercé à tout ce qui concerne l’art, & par degrés depuis ce qu’il y a de moindre, jusqu’aux opérations les plus délicates & les plus importantes. Tout le monde convient que, dans tous les arts, ce n’est qu’en pratiquant qu’on devient habile : l’éleve, en travaillant sous des maîtres, profite de leur habileté & de leur expérience ; il en reçoit journellement des instructions de détail, dont l’application est déterminée ; il ne néglige rien de ce qu’il faut savoir ; il demande des éclaircissemens sur les choses qui passent la partie actuelle de ses lumieres ; enfin il voit habituellement des malades. Quand on a passé ainsi quelques années à leur service sous la direction des maîtres de l’art, & qu’on est parvenu au même grade, on est moins exposé à l’inconvénient, fâcheux à plus d’un égard, de se trouver long-tems, après sa réception, ancien maître & jeune praticien, comme on en voit des exemples ailleurs.