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prélats & autres ecclésiastiques, commandeurs, communautés régulieres & séculieres, aux maladreries, hôpitaux & gens de main-morte, & en dresser leurs procès-verbaux en la même forme, & sous les mêmes peines que l’on a expliqué par rapport aux bois du roi. Sur les maîtres particuliers, voyez Saint-Yon, Miraulmont, l’ordonnance des eaux & forêts, tit. 2 & 3 ; la conférence des eaux & forêts. (A)

Maitre des Requêtes, ou Maitre des Requêtes de l’hotel du roi, (Jurisprud.) libellorum supplicum magister, & anciennement requestarum magister, est un magistrat ainsi appellé, parce qu’il rapporte au conseil du roi les requêtes qui y sont présentées.

Les magistrats prennent le titre de maîtres des requêtes ordinaires, parce qu’on en a créé en certains tems quelques-uns extraordinaires qui n’avoient point de gages : quelquefois ceux-ci y remplaçoient un ordinaire à sa mort ; quelquefois ils étoient sans fonctions.

Il est difficile de fixer l’époque de l’établissement des maîtres des requêtes ; leur origine se perd dans l’antiquité de la monarchie. Quelques auteurs les font remonter jusqu’au regne de Charlemagne, & l’on cite des capitulaires de ce prince, où se trouvent les termes de missi dominici ; dénomination qui ne peut s’appliquer qu’aux magistrats connus depuis sous le nom de maîtres des requêtes. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils existoient long-tems avant que les parlemens fussent devenus sédentaires, & qu’ils étoient chargés des rois, des fonctions les plus augustes & les plus importantes.

Ces magistrats portoient autrefois le nom de poursuivans, ou de missi dominici, noms qui leur avoient été donnés par rapport à l’une de leurs principales fonctions.

En effet plusieurs d’entre eux étoient chargés de parcourir les provinces pour y écouter les plaintes des peuples, veiller à la conservation des domaines, à la perception & répartition des impôts ; avoir inspection sur les juges ordinaires, recevoir les requêtes qui leur étoient présentées ; les expédier le champ, quand elles ne portoient que sur des objets de peu de conséquence, & les renvoyer au roi lorsque l’importance de la matiere l’éxigeoit.

D’autres maîtres des requêtes, dans le même tems, suivoient toujours la cour ; partie d’entre eux servoit en parlement, tandis que les parlemens étoient assemblés ; & dans l’intervalle d’un parlement à l’autre, expédioient les affaires qui requéroient célérité : partie répondoit les requêtes à la porte du palais, & c’est pour cela qu’on les a souvent appellés juges de la porte, ou des plaids de la porte. En effet, dans ces tems reculés, les rois étoient dans l’usage d’envoyer quelques personnes de leur conseil, recevoir & expédier les requêtes à la porte de leur palais ; souvent même ils s’y rendoient avec eux pour rendre justice à leurs sujets. On voit dans Joinville que cette coutume étoit en vigueur du tems de S. Louis, & que ce prince ne dédaignoit pas d’exercer lui-même cette auguste fonction de la royauté : Souventes fois, dit cet auteur, le roi nous envoyoit les sieurs de Nesle, de Soissons & moi, ouir les plaids de la porte, & puis il nous envoioit querir, & nous demandoit comme tout se portoit ; & s’il y avoit aucuns qu’on ne pût dépêcher sans lui, plusieurs fois, suivant notre rapport, il envoyoit querir les plaidoians & les contentoit les mettant en raison & droiture. On voit dans ce passage que Joinville lui-même étoit juge de la porte, ou du-moins qu’il en faisoit les fonctions, fonctions qui étant souvent honorées de la présence du prince, n’étoient point au-dessous de la dignité des noms les plus respectables.

Enfin, sous Philippe de Valois, le nom de maîtres

des requêtes leur est seul demeuré, tant parce qu’ils connoissoient spécialement des causes des domestiques & commensaux de la maison du roi, que parce que c’étoit dans le palais même qu’ils exerçoient leur jurisdiction. Le premier monument où on les trouve ainsi qualifiés, est une ordonnance de 1345.

Le nombre des maîtres des requêtes a fort varié. Il paroît par une ordonnance de 1285, qu’ils n’étoient pour lors que trois.

Philippe le Bel, par une ordonnance de 1289, porta leur nombre jusqu’à six, dont deux seulement devoient suivre la cour, & les quatre autres servir en parlement. Au commencement du regne de François I. ils n’étoient que huit, & ce prince eut bien de la peine à en faire recevoir un neuvieme en 1522 ; mais dès l’année suivante il créa trois charges nouvelles. Ce n’a plus été depuis qu’une suite continuelle de créations & de suppressions, dont il seroit inutile de suivre ici le détail. Il suffit de savoir que, malgré les représentations du corps, & les remontrances des parlemens qui se sont toujours opposés aux nouvelles créations, les charges de maître des requêtes s’étoient multipliées jusqu’à quatre-vingt-huit, & que par la derniere suppression de 1751, elles ont été réduites à quatre-vingt.

Il paroît que l’état des maîtres de requêtes étoit de la plus grande distinction, & qu’étant attachés à la cour, on les regardoit autant comme des courtisans, que comme des magistrats ; il y a même lieu de penser qu’ils n’ont pas toujours été de robe longue.

Indépendamment des grands noms que l’on trouve dans le passage de Joinville, ci dessus rapporté, ainsi que dans l’ordonnance de 1289, & plusieurs autres monumens, les registres du parlement en fournissent des preuves plus récentes. On y voit qu’en 1406, un maître des requêtes fut baillif de Rouen ; deux autres furent prevôts de Paris en 1321 & en 1512 : or il est certain que la charge de prevôt de Paris, & celles de baillifs & sénéchaux, ne se donnoient pour lors qu’à la plus haute noblesse, & qu’il falloit avoir servi pour les remplir. D’ailleurs le titre de sieur ou de messire, qui leur est donné dans les anciennes ordonnances, & notamment dans celle de 1289, ne s’accordoit qu’aux personnes les plus qualifiées. C’est par un reste de cette ancienne splendeur que les maitres des requêtes ont conservé le privilege de se présenter devant le roi & la famille royale dans les cérémonies, non par députés, ni en corps de compagnie, comme les cours souveraines, mais séparément comme les autres courtisans.

Les prérogatives des maîtres des requêtes étoient proportionnées à la considération attachée à leur état. Du tems de François I. & de Henri II. ils avoient leurs entrées au lever du roi, en même tems que le grand-aumônier. Ils ont toujours été regardés comme commensaux de la maison du roi, & c’est en cette qualité, qu’aux obseques des rois, ils ont une place marquée sur le même banc que les évêques ; ils en ont encore un aux représentations des pieces de théâtre.

Nous avons déja remarqué que dès les tems les plus reculés, ils avoient seuls le privilege de recevoir les placets présentés au roi, & de lui en rendre compte. M. le duc d’Orléans les en avoit remis en possession au commencement de sa régence, mais comme il falloit les remettre aux secrétaires d’état ; l’usage s’est établi de les donner au capitaine des gardes, qui les met sur un banc dans l’anti-chambre du roi, sur lequel les secrétaires du roi les prennent ; de sorte que les maîtres des requêtes ne jouissent actuellement que du droit de suivre le roi à sa messe & d’y assister & le reconduire jusqu’à son cabinet, comme ils le faisoient lorsqu’il leur remettoit les placets. Il y en a