Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/875

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rondie, lesquels, si l’on continue à les toucher, rentrent insensiblement dans la cavité d’où ils étoient sortis, & reparoissent peu de tems après sous leur premiere forme, ce qui arrive de même lorsqu’on leur ôte ou qu’on leur donne l’eau de mer.

» Le corps de la main de mer considérée intérieurement est de substance fongueuse, plus molle que celle de son extérieur qui est coriace ; & par la quantité des tuyaux dont il est percé, aboutissant aux mamelons extérieurs, ressemble aux loges d’un gâteau d’une ruche, chacune desquelles contient le petit polype que j’ai décrit, & un peu d’eau roussâtre ». Mem. de l’acad. royale des Scienc. année 1740, par M. de Jussieu.

Mains, (Critique sacrée.) manus selon la vulgate. Ce mot dans l’Ecriture sainte se prend quelquefois pour l’étendue : hoc mare magnum & spaciosum manibus, Job xxviij. 8. Il se prend aussi pour la puissance du saint-Esprit, qui se fait sentir sur un prophete : Facta est super eum manus Domini. Ezech. iij. 22. Dieu parle à son peuple par la main des prophetes, c’est-à-dire par leur bouche. La main élevée marque la force, l’autorité. Ainsi il est dit que Dieu a tiré son peuple de l’Egypte la main haute & élevée. Cette expression marque aussi l’insolence du pécheur qui s’éleve contre Dieu, peccare elatâ manu. La main exprime encore la vengeance que Dieu exerce contre quelqu’un : la main du Seigneur s’appesantit sur les Philistins ; il se met pour fois. Daniel & ses compagnons se trouverent dix mains plus sages que tous les magiciens & les devins du pays. Jetter de l’eau sur les mains de quelqu’un, c’est le servir : ainsi Elisée jettoit de l’eau sur les mains d’Elie, c’est-à-dire qu’il étoit son serviteur. Laver ses mains dans le sang des pécheurs, c’est approuver la vengeance que Dieu tire de leur iniquité. Le juste lave ses mains parmi les innocens, c’est-à-dire est lié d’amitié avec eux. Pilate lave ses mains pour marquer qu’il est innocent de la mort de Jesus-Christ. Baiser la main est un acte d’adoration. Si j’ai vu le soleil dans son éclat, & si j’ai baisé ma main, dit Job. Remplir ses mains, signifie entrer en possession d’une dignité sacerdotale, parce que dans cette cérémonie on mettoit dans les mains du nouveau prêtre les parties de la victime qu’il devoit offrir. Donner les mains signifie faire alliance,jurer amitié. Les Juifs disent qu’ils ont été obligés de donner les mains aux Egyptiens pour avoir du pain, c’est-à-dire de se rendre à eux. (D. J.)

Mains, (Antiq. rom.) Le grand nombre de mains chargées quelquefois de symboles de diverses divinités qui se trouvent parmi les anciens monumens, désignent des accomplissemens de vœux. Elles étoient appendues dans les temples des dieux à qui elles étoient vouées, en reconnoissance de quelque faveur signalée reçue, ou de quelque miraculeuse guérison. S. Athanase a cru que ces mains & toutes les autres parties du corps prises séparément, étoient honorées par les gentils comme des divinités. On peut reprocher aux payens tant d’objets réels d’idolâtrie, qu’il ne faut pas leur en attribuer de faux. (D. J.)

Main, (Littérat.) L’inégalité que la coutume, l’éducation & les préjugés ont mis entre la main droite & la main gauche, est également contraire à la nature & au bon sens.La nature a dispensé ses graces avec une proportion égale à toutes les parties des corps régulierement organisés. L’oreille droite n’entend pas mieux que la gauche ; l’œil gauche voit également comme l’œil droit ; & l’on ne marche pas plus aisément d’un pié que de l’autre. L’anatomie la plus délicate ne remarque aucune différence sensible entre les nerfs, les muscles & les vaisseaux des parties doubles des enfans bien conformés. Si telle observation n’a pas

lieu dans les corps plus avancés en âge, c’est une suite de l’usage abusif qui nous assujettit à tout faire de la main droite & à laisser la gauche dans une inaction presque continuelle : d’où il résulte un écoulement beaucoup plus considérable des sucs nourriciers dans la main qui est toujours en action, que dans celle qui se repose. Il seroit donc à souhaiter qu’au lieu de corriger les enfans qui usent indifféremment de l’une ou l’autre main, on les accoutumât de bonne heure à se servir de leur ambi-dextérité naturelle, dont ils tireroient de grands avantages dans le cours de la vie. Platon le pensoit ainsi, & désaprouvoit extrémement la préférence dont on honoroit déja de son tems la main droite au préjudice de la gauche ; il soutenoit avec raison qu’en cela les hommes n’entendoient pas leurs vrais intérêts, & que, sous le prétexte ridicule du bon air & de la bonne grace, ils se privoient eux-mêmes de l’utilité qu’ils pouvoient retirer en mille rencontres de l’usage des deux mains. Il est étonnant que dans ces derniers siecles on ne se soit pas avisé de renouveller dans l’art militaire l’exercice ambi-dextre, qui donne une grande supériorité à ceux qui y sont dressés. Henri IV. fit sortir de ses gendarmes cinq bons sujets, par la seule raison qu’ils étoient gauchers, tant les préjugés de la mode & de la coutume ont de force sur l’esprit des hommes ! (D. J.)

Mains-jointes. (Art numismat.) Le type de deux mains-jointes est fréquent sur les médailles latines & égyptiennes ; il a pour légende ordinaire concordia exercituum. En effet, Tacite nous apprend que du tems de Galba, c’étoit une coûtume déja ancienne, que les villes voisines des quartiers des légions leur envoyassent deux mains-jointes en signe d’hospitalité : miserat civitas Lingonum, vetere instituo, dona legionibus, dextras hospitii insigne. Et pendant la guerre civile d’Othon & de Vitellius, Sisenna, centurion, porte de Syrie à Rome aux prétoriens des figures de main droite pour gage de la concorde que vouloit entretenir avec eux l’armée de Syrie : centurionem, Sisenna dextras, concordiæ insignia, syriaci exercitûs nomine ad prætorianos ferentem. Ces symboles étoient représentés en bas-relief sur l’airain & sur le marbre, qui devenoient dignes de l’attention des princes, quand ces monumens avoient pour objet les affaires publiques ; les particuliers mêmes ornoient de ces figures les monumens de famille. Sur un marbre trouvé dans l’ancien pays des Marses, se voyent deux mains-jointes pour symbole de la foi conjugale, & au-dessus une inscription donnée par M. Muratori : D. M. S. Q. Ninnio, Q. F. strenuo Seviro aug. titecia januaria conjugi B. M. F. & sibi. (D. J.)

Main harmonique, (Musique.) est, en musique, le nom que donna l’Arétin à une figure, par laquelle il expliquoit le rapport de ses hexacordes, de ses sept lettres, & de ses six syllabes aux cinq tetracordes des Grecs. Cette figure représentoit une main gauche, sur les doigts de laquelle étoient marqués tous les sons de la gamme avec leurs lettres correspondantes, & les diverses syllabes dont on les devoit nommer selon la regle des muances, en chantant par béquarre ou par bémol. Voyez Gamme, Muances, Solfier, &c. (S)

Main, (Marine.) sorte de petite fourche de fer, dont on se sert à tenir le fil de caret dans l’auge quand on le gaudronne.

Main, (Jurisprud.) Ce terme a dans cette matiere plusieurs significations différentes. Il signifie souvent puissance, autorité, garde, conservation, &c.

Mettre en sa main, c’est saisir féodalement ; mettre sous la main de justice, c’est saisir & arrêter, saisir-exécuter, ou saisir réellement.