Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/868

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ques, roi d’Arragon, les expulsa de Valence en 1238 ; Ferdinand IV. leur ôta Gibraltar en 1303 ; Ferdinand V. surnommé le catholique, conquit finalement sur eux le royaume de Grenade, & les chassa d’Espagne en 1492.

Revenons aux Arabes d’orient ; le Mahometisme florissoit, & cependant l’empire des califes étoit détruit par la nation des Turcomans. On se fatigue à rechercher l’origine de ces Turcs : ils ont tous été d’abord des sauvages, vivant de rapines, habitant autrefois au-delà du Taurus & de l’Immaüs ; ils se répandirent vers le onzieme siecle du côté de la Moscovie ; ils inonderent les bords de la mer Noire, & ceux de la mer Caspienne.

Les Arabes sous les premiers successeurs de Mahomet, avoient soumis presque toute l’Asie mineure, la Syrie & la Perse : Les Turcomans à leur tour soumirent les Arabes, & dépouillerent tout ensemble les califes fatimites & les califes abassides.

Togrul-Beg de qui on fait descendre la race des Ottomans, entra dans Bagdat, à peu-près comme tant d’empereurs sont entrés dans Rome. Il se rendit maître de la ville & du calife, en se prosternant à ses piés. Il conduisit le calife à son palais en tenant la bride de sa mule ; mais plus habile & plus heureux que les empereurs allemands ne l’ont été à Rome, il établit sa puissance, ne laissa au calife que le soin de commencer le vendredi les prieres à la mosquée, & l’honneur d’investir de leurs états tous les tyrans mahométans qui se feroient souverains.

Il faut se souvenir, que comme ces Turcomans imitoient les Francs, les Normands & les Goths, dans leurs irruptions, ils les imiterent aussi en se soumettant aux lois, aux mœurs & à la religion des vaincus ; c’est ainsi que d’autres tartares en ont usé avec les Chinois, & c’est l’avantage que tout peuple policé, quoique le plus foible, doit avoir sur le barbare, quoique le plus fort.

Au milieu des croisades entreprises si follement par les chrétiens, s’éleva le grand Saladin, qu’il faut mettre au rang des capitaines qui s’emparerent des terres des califes, & aucun ne fut aussi puissant que lui. Il conquit en peu de tems l’Egypte, la Syrie, l’Arabie, la Perse, la Mésopotamie & Jérusalem, où après avoir établi des écoles musulmanes, il mourut à Damas en 1195, admiré des chrétiens même.

Il est vrai que dans la suite des tems, Tamerlan conquit sur les Turcs, la Syrie & l’Asie mineure ; mais les successeurs de Bajazet rétablirent bien-tôt leur empire, reprirent l’Asie mineure, & conserverent tout ce qu’ils avoient en Europe sous Amurath. Mahomet II. son fils, prit Constantinople, Trébizonde, Caffa, Scutari, Céphalonie, & pour le dire en un mot, marcha pendant trente-un ans de regne, de conquêtes en conquêtes, se flattant de prendre Rome comme Constantinople. Une colique en délivra le monde en 1481, à l’âge de cinquante-un ans ; mais les Ottomans n’ont pas moins conservé en Europe, un pays plus beau & plus grand que l’Italie.

Jusqu’à présent leur empire n’a pas redouté d’invasions étrangeres. Les Persans ont rarement entamé les frontieres des Turcs ; on a vû au contraire le sultan Amurath IV. prendre Bagdat d’assaut sur les Persans en 1638, demeurer toujours le maître de la Mésopotamie, envoyer d’un côté des troupes au grand Mogol contre la Perse, & de l’autre menacer Venise. Les Allemands ne se sont jamais présentés aux portes de Constantinople, comme les Turcs à celles de Vienne. Les Russes ne sont devenus redoutables à la Turquie, que depuis Pierre le grand. Enfin, la force a établi l’empire Ottoman, & les divisions des chrétiens l’ont maintenu. Cet empire en augmentant sa puissance, s’est conservé

long-tems dans ses usages féroces, qui commencent à s’adoucir.

Voilà l’histoire de Mahomet, du mahométisme, des Maures d’Occident, & finalement des Arabes, vaincus par les Turcs, qui devenus musulmans dès l’an 1055, ont persévéré dans la même religion jusqu’à ce jour. C’est en cinq pages sur cet objet, l’histoire de onze siecles. Le chevalier de Jaucourt.

MAHON, s. m. (Monnoie.) c’est un vieux mot françois. On nommoit ainsi en quelques lieux, les gros sols de cuivre, ou pieces de douze deniers. Ménage dans ses étymologies, remarque qu’on appelle en Normandie les médailles anciennes des mahons : or nos mahons sont de la grosseur des médailles de grand bronze, & les demi ressemblent aux moyennes ; si l’on y joint des liards fabriqués en même tems, & qui ont une marque toute semblable, on aura les trois grandeurs. (D. J.)

Mahon, (Géog.) voyez Port-Mahon. (D. J.)

MAHONNE, s. f. (Marine.) sorte de galeasse dont les Turcs se servent & qui ne differe des galeasses de Venise, qu’en ce qu’elle est plus petite & moins forte. Voyez Galeasse.

MAHOTS, s. m. (Botan.) c’est ainsi que les habitans de l’Amérique nomment différens arbres qui croissent sur le continent & dans les îles, situées entre les tropiques.

Le mahot des Antilles est encore connu sous le nom de mangle blanc ; on en trouve beaucoup sur le bord des rivieres & aux environs de la mer, son bois est blanchâtre, léger, creux dans son milieu, rempli de moëlle, & ne paroît pas propre à être mis en œuvre ; ses branches s’étendent beaucoup en se recourbant vers la terre, où elles reprennent racine & continuent de se multiplier de la même façon que le mangle noir ou paletuvier, dont on parlera en son lieu ; ces branches sont garnies d’assez grandes feuilles presque rondes, douces au toucher, fléxibles, d’un verd foncé, & entre-mêlées dans la saison de grosses fleurs jaunes à plusieurs pétales, disposées en forme de vases.

Plus on coupe les branches du mahot, plus il en repousse de nouvelles, leur écorce ou plutôt la peau qui les couvre est liante, souple, coriace & s’en sépare avec peu d’effort ; on l’enleve par grandes lanieres d’environ un pouce de large, que l’on reffend s’il en est besoin, pour en former de grosses cordes tressées ou cordées, selon l’usage qu’on en veut faire ; la pellicule qui se trouve sous cette écorce s’emploie aussi à faire des cordelettes propres à construire des filets de pêcheurs, & les sauvages de l’Orenoque en fabriquent des hamacs en forme de rézeau, très-commodes dans les grandes chaleurs.

Les terrains occupés par des mahots s’appellent mahotieres, ce sont des retraites assurées pour les rats & les serpens. M. le Romain.

Mahot coton ou Cotonnier blanc, très grand arbre, dont le bois est plus solide que celui du précédent ; il produit une fleur jaune à laquelle succede une gousse, qui venant à s’ouvrir en mûrissant, laisse échapper un duvet fin & léger que le vent emporte facilement ; on en fait peu d’usage.

Mahot a grandes feuilles, autrement dit, Mapou ou bois de flot ; quelques-uns le nomment liége, à cause de son extrème légereté ; il est de moyenne grandeur, ses branches sont assez droites, garnies de grandes feuilles souples, veloutées comme celles de la mauve, d’un verd foncé en-dessus & beaucoup plus pâle en-dessous ; ses fleurs qui de blanches qu’elles sont au commencement deviennent jaunes ensuite ; elles sont composées de cinq grandes pétales, disposées en forme de clochette, au fond de laquelle est un pistil qui se change en une grande silique ronde, de 12 à 14 lignes de dia-