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bole de la présence divine. Il établit que le soleil étant le feu le plus parfait, Dieu y résidoit d’une maniere plus glorieuse que partout ailleurs, & qu’après le soleil on devoit regarder le feu élémentaire comme la plus vive représentation de la Divinité.

Voulant encore rendre les feux sacrés des temples qu’il avoit érigés, plus vénérables aux peuples, il feignit d’en avoir apporté du ciel ; & l’ayant mis de ses propres mains sur l’autel du premier temple qu’il fit bâtir, ce même feu fut répandu dans tous les autres temples de sa religion. Les prêtres eurent ordre de veiller jour & nuit à l’entretenir sans cesse avec du bois sans écorce, & cet usage fut rigoureusement observé jusqu’à la mort d’Yazdejerde, dernier roi des Perses de la religion des Mages, c’est-à-dire pendant environ 1150 ans.

Il ne s’agissoit plus que de fixer les rites religieux & la célébration du culte divin ; le réformateur du magianisme y pourvut par une liturgie qu’il composa, qu’il publia, & qui fut ponctuellement suivie. Toutes les prieres publiques se font encore dans l’ancienne langue de Perse, dans laquelle Zoroastre les a écrites il y a 2245 ans, & par conséquent le peuple n’en entend pas un seul mot.

Zoroastre ayant établi solidement sa religion en Médie, passa dans la Bactriane, province la plus orientale de la Perse, où se trouvant appuyé de la protection d’Hystaspe, pere de Darius, il éprouva le même succès. Alors tranquille sur l’avenir, il fit un voyage aux Indes, pour s’y instruire à fond des sciences des Brachmanes. Ayant appris d’eux tout ce qu’il desiroit savoir de Métaphysique, de Physique, & de Mathématique, il revint en Perse, & fonda des écoles pour y enseigner ces mêmes sciences aux prêtres de sa religion ; en sorte qu’en peu de tems savant & mage devinrent des termes synonymes.

Comme les prêtres mages étoient tous d’une même tribu, & que nul autre qu’un fils de prêtre, ne pouvoit prétendre à l’honneur du sacerdoce, ils réserverent pour eux leurs connoissances, & ne les communiquerent qu’à ceux de la famille royale qu’ils étoient obligés d’instruire pour les mieux former au gouvernement. Aussi voyons-nous toujours quelques-uns de ces prêtres dans le palais des rois, auxquels ils servoient de précepteurs & de chapelains tout ensemble. Tant que cette secte prévalut en Perse, la famille royale fut censée appartenir à la tribu sacerdotale, soit que les prêtres esperassent s’attirer par ce moyen plus de crédit, soit que les rois crussent par-là rendre leur personne plus sacrée, soit enfin par l’un & l’autre de ces motifs.

Le sacerdoce se divisoit en trois ordres, qui avoient au-dessus d’eux un archimage, chef de la religion, comme le grand sacrificateur l’étoit parmi les Juifs. Il habitoit le temple de Balck, où Zoroastre lui-même résida long-tems en qualité d’archimage ; mais après que les Arabes eurent ravagé la Perse dans le septieme siecle, l’archimage fut obligé de se retirer dans le Kerman, province de Perse ; & c’est-là que jusqu’ici ses successeurs ont fait leur résidence. Le temple de Kerman n’est pas moins respecté de nos jours de ceux de cette secte, que celui de Baseh l’étoit anciennement.

Il ne manquoit plus au triomphe de Zoroastre, que d’établir la réforme dans la capitale de Perse. Ayant bien médité ce projet épineux, il se rendit à Suze auprès de Darius, & lui proposa la doctrine avec tant d’art, de force & d’adresse, qu’il le gagna, & en fit son prosélite le plus sincere & le plus zélé. Alors à l’exemple du prince, les courtisans, la noblesse, & tout ce qu’il y avoit de personnes de distinction dans le royaume, embrasserent le Magianisme. On comptoit parmi les nations qui le profes-

soient, les Perses, les Parthes, les Bactriens, les

Chowaresmiens, les Saces, les Medes, & plusieurs autres peuples barbares, qui tomberent sous la puissance des Arabes dans le septieme siecle.

Mahomet tenant le sceptre d’une main & le glaive de l’autre, établit dans tous ces pays-là le Musulmanisme. Il n’y eut que les prêtres mages & une poignée de dévots, qui ne voulurent point abandonner une religion qu’ils regardoient comme la plus ancienne & la plus pure, pour celle d’une secte ennemie, qui ne faisoit que de naître. Ils se retirerent aux extrémités de la Perse & de l’Inde. « C’est là qu’ils vivent aujourd’hui sous le nom de Gaures ou de Guebres, ne se mariant qu’entr’eux, entretenant le feu sacré, fideles à ce qu’ils connoissent de leur ancien culte, mais ignorans, méprisés, & à leur pauvreté près, semblables aux Juifs, si long-tems dispersés sans s’allier aux autres nations ; & plus encore aux Banians, qui ne sont établis & dispersés que dans l’Inde ».

Le livre qui contient la religion de Zoroastre, & qu’il composa dans une retraite, subsiste toujours ; on l’appella zenda vesta, & par contraction zend. Ce mot signifie originairement, allume feu ; Zoroastre par ce titre expressif, & qui peut nous sembler bisarre, a voulu insinuer que ceux qui liroient son ouvrage, sentiroient allumer dans leur cœur le feu de l’amour de Dieu, & du culte qu’il lui faut rendre. On allume le feu dans l’Orient, en frottant deux tiges de roseaux l’une contre l’autre, jusqu’à ce que l’une s’enflamme ; & c’est ce que Zoroastre espéroit que son livre feroit sur les cœurs. Ce livre renferme la liturgie & les rites du Magianisme. Zoroastre feignit l’avoir reçu du Ciel, & on en trouve encore des exemplaires en vieux caracteres persans. M. Hyde qui entendoit le vieux persan comme le moderne, avoit offert de publier cet ouvrage avec une version latine, pourvû qu’on l’aidât à soutenir les frais de l’impression. Faute de ce secours, qui ne lui manqueroit pas aujourd’hui dans sa patrie, ce projet a échoué au grand préjudice de la république des lettres, qui tireroit de la traduction d’un livre de cette antiquité, des lumieres précieuses sur cent choses dont nous n’avons aucune connoissance. Il suffit pour s’en convaincre, de lire sur les Mages & le Magianisme, le bel ouvrage de ce savant anglois, de religione veterum Persarum, & celui de Pocock sur le même sujet. Zoroastre finit ses jours à Balk, où il régna par rapport au spirituel sur tout l’empire, avec la même autorité que le roi de Perse par rapport au temporel. Les prodiges qu’il a opérés en matiere de religion, par la sublimité de son génie, orné de toutes les connoissances humaines, sont des merveilles sans exemple. (D. J.)

Mages, (Théologie.) des quatre Evangélistes, saint Matthieu est le seul qui fasse mention de l’adoration des mages qui vinrent exprès d’Orient, de la fuite de Joseph en Egypte avec sa famille, & du massacre des Innocens qui se fit dans Bethléem & ses environs par les ordres cruels d’Hérode l’ancien, roi de Judée. Quoique cette autorité suffise pour établir la croyance de ce fait dans l’esprit d’un chrétien, & que l’histoire nous peigne Hérode comme un prince soupçonneux & sans cesse agité de la crainte que son sceptre ne lui fût enlevé, & qui sacrifiant tout à cette jalousie outrée de puissance & d’autorité, ne balança pas à tremper ses mains dans le sang de ses propres enfans : cependant il y a des difficultés qu’on ne sauroit se dissimuler, tel est le silence des trois autres évangélistes, celui de l’historien Josephe sur un évenement aussi extraordinaire, & la peine qu’on a d’accorder le récit de saint Luc avec celui de saint Matthieu.

Saint Matthieu dit que Jesus étant né à Bethléem