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aujourd’hui que ces corps sont des loges qui servent de retraite à des polypes, & autres insectes marins, qui se bâtissent eux-mêmes la demeure où ils habitent. Les madrépores varient avec les différentes mers où on les trouve.

On appelle madréporites les madrépores que l’on rencontre, soit altérés, soit non altérés dans le sein de la terre ; quelques-uns sont changés en cailloux, d’autres sont dans leur état naturel : ces corps ont été portés dans l’intérieur des couches de la terre, par les mêmes causes qui font que l’on y trouve les coquilles, & tous les autres corps marins fossiles. Voyez Fossiles.

On a souvent confondu les madréporites ou madrépores fossiles avec le bois pétrifié, ce qui a donné lieu à quelques gens de douter s’il existoit réellement du bois pétrifié, mais les madréporites se distinguent par un tissu qu’un œil attentif ne peut point confondre avec du bois.

Madrepore, (Mat. med.) on trouve souvent dans les boutiques, sous le nom de corail blanc, une espece de madrepore blanche, & divisée en rameaux, qui ne differe du corail blanc qu’en ce qu’elle est percée de trous, qu’elle est creuse en-dedans, & qu’elle croît sans être recouverte, de ce qu’on appelle écorce dans les coraux. Cette espece de madrepore s’appelle madrepora vulgaris, I. v. h. 573 ; corallium album oculatum, off. J. B. 3. 805.

Geoffroi dit de cette substance que quelques-uns lui attribuent les mêmes vertus qu’au corail blanc. Il faut dire aujourd’hui qu’elle a absolument la même vertu, c’est-à-dire qu’elle est terreuse, absorbante, & rien de plus. Voyez Corail, & remedes terreux, au mot Terre. (b)

MADRID, (Géogr.) ville d’Espagne dans la nouvelle Castille, & la résidence ordinaire des rois. On croit communément que c’est la Mantua Carpetanorum des anciens, ou plutôt qu’elle s’est formée des ruines de villæ-Manta.

En 1085, sous le regne d’Alphonse VI. après la capitulation de Tolède, qu’occupoient les Mahométans, toute la Castille neuve se rendit à Rodrigue, surnommé le Cid, le même qui épousa depuis Chimene, dont il avoit tué le pere. Alors Madrid, petite place qui devoit un jour être la capitale de l’Espagne, tomba pour la premiere fois au pouvoir des Chrétiens.

Cette bourgade fut ensuite donnée en propre aux archevêques de Tolède, mais depuis Charles V. les rois d’Espagne l’ayant choisie pour y tenir leur cour, elle est devenue la premiere ville de cette vaste monarchie.

Elle est grande, peuplée, ornée du palais du roi, de places, d’autres édifices publics, de quantité d’églises, & d’une académie fondée par Philippe IV. mais les rues y sont mal propres & très-mal pavées. On y voit plusieurs maisons sans vitres, parce que c’est la coutume que les locataires font mettre le vitrage à leurs dépens, & lorsqu’ils délogent, ils ont soin de l’emporter ; le locataire qui succede s’en passe, s’il n’est pas assez riche pour remettre des vitres.

Un autre usage singulier, c’est que dans la bâtisse des maisons, le premier étage qu’on éleve appartient au roi, duquel le propriétaire l’achete ordinairement. C’est une sorte d’impôt très-bisarre, & très-mal imaginé.

Philippe IV. a fondé dans cette capitale une maison pour les enfans trouvés ; on peut prendre des administrateurs un certificat qui coute deux patagons ; ce certificat sert pour retirer l’enfant quand on veut. Tous ces enfans sont censés bourgeois de Madrid, & même ils sont réputés à certains égards gentilshommes, c’est-à-dire qu’ils peuvent entrer

dans un ordre de chevalerie, qu’on appelle habito.

Madrid jouit d’un air très-pur, très-subtil, & froid dans certains tems, à cause du voisinage des montagnes. Elle est située dans un terrain fertile, sur une hauteur, bordée de collines d’un côté, à six lieues S. O. d’Alcala, sept de l’Escurial, neuf de Puerto de Guadaréma, cent six N. E. de Lisbonne, environ deux cens de Paris, & trois cens de Rome. Long. selon Cassini, 13d. 45′. 45″. lat. 40. 26. (D. J.)

MADRIERS, s. m. (Hydr.) ce sont des planches fort épaisses de bois de chêne, qui servent a soutenir les serres ou à former des plate-formes pour asseoir la maçonnerie des puits, des citernes, & des bassins. (K)

Madriers, (Art milit.) sont des planches fort épaisses qui servent à bien des choses dans l’artillerie & la guerre des siéges. Les madriers qu’on emploie pour les plate-formes des batteries de canon & de mortier, ont depuis neuf jusqu’à douze ou quinze piés de long, sur un pié de largeur, & au moins deux pouces & demi d’épaisseur.

Madriers, (Architect.) on appelle ainsi les plus gros ais qui sont en maniere de plate-forme, & qu’on attache sur des racinaux ou pieux pour asseoir sur de la glaise, les murs de maçonnerie lorsque le terrain paroît de foible consistence.

Madriers, on appelle de ce nom de fortes planches de sapin qui servent pour les échafauts, & pour conduire dessus avec des rouleaux de grosses pierres toutes taillées, ou prêtes à être posées.

Madrigal, s. m. (Littér.) dans la poésie moderne italienne, espagnole, françoise, signifie une petite piece ingénieuse & galante, écrite en vers libres, & qui n’est assujettie ni à la scrupuleuse régularité du sonnet, ni à la subtilité de l’épigramme, mais qui consiste seulement en quelques pensées tendres exprimées avec délicatesse & précision.

Menage fait venir ce mot de mandra, qui en latin & en grec signifie une bergerie, parce qu’il pense que ç’a été originairement d’une chanson pastorale que les Italiens ont formé leur mandrigal, & nous à leur imitation. D’autres tirent ce mot de l’espagnol madrug, se lever matin, parce que les amans avoient coutume de chanter des madrigaux dans les sérénades qu’ils donnoient de grand matin sous les fenêtres de leurs maîtresses. Voyez Sérénade.

Le madrigal, selon M. le Brun, n’a à la fin ou dans sa chûte rien de trop vif ni de trop spirituel, roule sur la galanterie, mais d’une maniere également bienséante, simple, & cependant noble. Il est plus simple & plus précis de dire avec un auteur moderne, que l’épigramme peut être polie, douce, mordante, maligne, &c. pourvû qu’elle soit vive, c’est assez. Le madrigal au contraire, a une pointe toujours douce, gracieuse, & qui n’a de piquant que ce qu’il lui en faut pour n’être pas fade. Cours de belles Lettres, tome II. pag. 268.

Les anciens n’avoient pas le nom de madrigal, mais on peut le donner à plusieurs de leurs pieces, à quelques odes d’Anacréon, à certains morceaux de Tibulle & de Catulle. Rien en effet ne ressemble plus à nos madrigaux que cette épigramme du dernier.

Odi & amo, quare id faciam fortasse requiris :
Nescio ; sed fieri sentio & excrucior.

L’auteur du cours des belles Lettres, que nous avons déja cité, rapporte en exemple ce madrigal de Pradon, qui réussissoit mieux en ce genre là qu’en tragédies. C’est une réponse à une personne qui lui avoit écrit avec beaucoup d’esprit.

Vous n’écrivez que pour écrire,
C’est pour vous un amusement,
Moi qui vous aime tendrement,
Je n’écris que pour vous le dire.