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chaux, la meilleure serviroit pour celui de gravier, & l’autre pour celui des menues pierres. On commence par jetter un lit de mortier fin dans le fond du coffre, s’agraffant mieux que l’autre sur le roc ; ensuite d’une quantité d’ouvriers employés à cela, les uns jettent le mortier fin de part & d’autre sur les bords intérieurs du coffre qui soutiennent les paremens ; d’autres remplissent le milieu de pierrée, tandis que d’autres encore le battent. Si cette opération est faite avec soin, le mortier fin se liant avec celui du milieu, formera un parement uni qui, en se durcissant, deviendra avec le tems plus dur que la pierre, & sera le même effet : on pourra même quelque tems après, si on juge à propos, y figurer des joints.

Il est cependant beaucoup mieux, disent quelques-uns, d’employer la pierre, ou le libage, s’il est possible, sur-tout pour les murs de face, de refend ou de pignons ; & faire, si l’on veut, les remplissages en moilon à bain de mortier, lorsque le roc est d’inégale hauteur dans toute l’étendue du bâtiment.

On peut encore par économie, ou autrement, lorsque les fondations ont beaucoup de hauteur, pratiquer des arcades B, fig. 38, dont une retombée pose quelquefois d’un côté sur le roc A, & de l’autre sur un piédroit ou massif C, posé sur un bon terrein battu & affermi, ou sur lequel on a placé des plate-formes. Mais alors il faut que ces pierres qui composent ce massif, soient posées sans mortier, & que leurs surfaces ayent été frottées les unes sur les autres avec l’eau & le grais, jusqu’à ce qu’elles se touchent dans toutes leurs parties ; & cela jusqu’à la hauteur D du roc ; & si on emploie le mortier pour les joindre ensemble, il faut lui donner le tems nécessaire pour sécher ; afin que d’un côté ce massif ne soit pas sujet à tasser, tandis que du côté du roc il ne tassera pas. Il ne faut pas cependant négliger de remplir de mortier les joints que forment les extrémités des pierres ensemble, & avec le roc, parce qu’ils ne sont pas sujets au tassement, & que c’est la seule liaison qui puisse les entretenir.

Des fondemens sur la glaise. Quoique la glaise ait l’avantage de retenir les sources au-dessus & au-dessous d’elle, de sorte qu’on n’en est point incommodé pendant la bâtisse, cependant elle est sujette à de très-grands inconvéniens. Il faut éviter, autant qu’il est possible, de fonder dessus, & prendre le parti de l’enlever, à moins que son banc ne se trouvât d’une épaisseur si considérable, qu’il ne fût pas possible de l’enlever sans beaucoup de dépense ; & qu’il ne se trouvât dessous un terrein encore plus mauvais, qui obligeroit d’employer des pieux d’une longueur trop considérable pour atteindre le bon fonds ; alors il faut tourmenter la glaise le moins qu’il est possible, raison pour laquelle on ne peut se servir de pilotis[1] ; l’expérience ayant appris qu’en enfonçant un pilot, fig. 43, à une des extrémités de la fondation, où l’on se croyoit assuré d’avoir trouvé le bon fonds, on s’appercevoit qu’en en enfonçant un autre à l’autre extrémité, le premier s’élançoit en l’air avec violence. La glaise étant très-visqueuse, & n’ayant pas la force d’agraffer les parties du pilot, le défichoit à mesure qu’on l’enfonçoit ; ce qui fait qu’on prend le parti de creuser le moins qu’il est possible, & de niveau dans l’épaisseur de la glaise, on y pose ensuite un grillage de charpente A, fig. 39, d’un pié ou deux plus large que les fondemens, pour lui donner plus d’empatement, assemblé avec des longrines B, & des traversines C, de neuf ou dix pouces de grosseur, qui se croisent, & qui laissent des intervalles ou cellules que l’on remplit ensuite de brique, de moilon ou de cailloux à bain de mortier, sur lequel on pose des madriers bien attachés dessus avec

des chevilles de fer à tête perdues ; ensuite on éleve la maçonnerie à assises égales dans toute l’étendue du bâtiment, afin que le terrain s’affaisse également partout.

Lorsqu’il s’agit d’un bâtiment de peu d’importance, on se contente quelquefois de poser les premieres assises sur un terrain ferme, & lié par des racines & des herbes qui en occupent la totalité, & qui se trouvent ordinairement de trois ou quatre piés d’épaisseur posés sur la glaise.

Des fondemens sur le sable. Le sable se divise en deux especes ; l’une qu’on appelle sable ferme, est sans difficulté le meilleur, & celui sur lequel on peut fonder solidement & avec facilité ; l’autre qu’on appelle sable bouillant, est celui sur lequel on ne peut fonder sans prendre les précautions suivantes.

On commence d’abord par tracer les alignemens sur le terrain, amasser près de l’endroit où l’on veut bâtir, les matériaux nécessaires à la construction, & ne fouiller de terre que pour ce que l’on peut faire de maçonnerie pendant un jour ; poser ensuite sur le fond, le plus diligemment qu’il est possible, une assise de gros libages, ou de pierres plates, sur laquelle on en pose une autre en liaison, & à joint recouvert avec de bon mortier ; sur cette derniere on en pose une troisieme de la même maniere, & ainsi de suite, le plus promptement que l’on peut, afin d’empêcher les sources d’inonder le travail, comme cela arrive ordinairement. Si l’on voyoit quelquefois les premieres assises flotter & paroître ne pas prendre une bonne consistance, il ne faudroit pas s’épouvanter, ni craindre pour la solidité de la maçonnerie, mais au contraire continuer sans s’inquiéter de ce qui arrivera ; & quelque tems après on s’appercevra que la maçonnerie s’affermira comme si elle avoit été placée sur un terrein bien solide. On peut ensuite élever les murs, sans craindre jamais que les fondemens s’affaissent davantage. Il faut sur tout faire attention de ne pas creuser autour de la maçonnerie, de peur de donner de l’air à quelques sources, & d’y attirer l’eau, qui pourroit faire beaucoup de tort aux fondemens. Cette maniere de fonder est d’un grand usage en Flandre, principalement pour les fortifications.

Il se trouve à Bethune, à Arras, & en quelques autres endroits aux environs, un terrein tourbeux, qu’il est nécessaire de connoître pour y fonder solidement. Dès que l’on creuse un peu dans ce terrein, il en sort une quantité d’eau si prodigieuse, qu’il est impossible d’y fonder sans qu’il en coute beaucoup pour les épuisemens. Après avoir employé une infinité de moyens, on a enfin trouvé que le plus court & le meilleur étoit de creuser le moins qu’il est possible, & de poser hardiment les fondations, employant les meilleurs matériaux que l’on peut trouver. Cette maçonnerie ainsi faite, s’affermit de plus en plus, sans être sujette à aucun danger. Lorsque l’on se trouve dans de semblables terreins que l’on ne connoît pas, il faut les sonder un peu éloignés de l’endroit où l’on veut bâtir, afin que si l’on venoit à sonder trop avant, & qu’il en sortît une source d’eau, elle ne pût incommoder pendant les ouvrages. Si quelquefois on employoit la maçonnerie de pierrée, dit M. Belidor, ce devroit être principalement dans ce cas ; car étant d’une prompte exécution, & toutes ses parties faisant une bonne liaison, sur-tout lorsqu’elle est faite avec de la pozzolanne, de la cendrée de Tournay, ou de la terrasse de Hollande, elle fait un massif, ou une espece de banc, qui ayant reçu deux piés ou deux piés & demi d’épaisseur, est si solide, que l’on peut fonder dessus avec confiance. Cependant, lorsque l’on est obligé d’en faire usage, il faut donner plus d’empatement à la fondation, afin que comprenant plus de

  1. Pilotis est un assemblage de pilots fichés près à-près dans la terre.