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Pierre traversée, celle qui après avoir été bretelée, les traits des bretelures se croisent.

Pierre polie, celle qui étant dure, a reçu le poli au grais, en sorte qu’il ne paroît plus aucunes marques de l’outil avec lequel on l’a travaillée.

Pierre taillée, celle qui ayant été coupée, est taillée de nouveau avec déchet : on appelle encore de ce nom celles qui provenant d’une démolition, a été taillée une seconde fois, pour être de rechef mise en œuvre.

Pierre faite, celle qui est entierement taillée, & prête à être enlevée, pour être mise en place par le poseur.

Pierre nette, celle qui est équarrie & atteinte jusqu’au vif.

Pierré retournée, celle dont les paremens opposés sont d’équerre & paralleles entre eux.

Pierre louvée, celle qui a un trou méplat pour recevoir la louve, fig. 163.

Pierre d’encoignure, celle qui ayant deux paremens d’équerre l’un à l’autre, se trouve placée dans l’angle de quelques avants ou arrieres corps.

Pierre parpeigne, de parpein, ou faisant parpein, celle qui traverse l’épaisseur du mur, & fait parement des deux côtés ; on l’appelle encore pamieresse.

Pierre fusible, celle qui change de nature, & devient transparente par le moyen du feu.

Pierre statuaire, celle qui étant d’échantillon, est propre & destinée pour faire une statue.

Pierre fichée, celle dont l’intérieur du joint est rempli de mortier clair ou de coulis.

Pierres jointoyées, celles dont l’extérieur des joints est bouché, & ragréé de mortier serré, ou de plâtre.

Pierres feintes, celles qui pour faire l’ornement d’un mur de face, ou de terrasse, sont séparées & comparties en maniere de bossage en liaison, soit en relief ou seulement marquées sur le mur par les enduits ou crepis.

Pierres à bossages, ou de refend, celles qui étant posées, representent la hauteur égale des assises, dont les joints sont refendus de différentes manieres.

Pierres artificielles, toutes especes de briques, tuiles, carreaux, &c. pétries & moulées, cuites ou crues.

De la pierre selon ses usages. On appelle premiere pierre, celle qui avant que d’élever un mur de fondation d’un édifice, est destinée à renfermer dans une cavité d’une certaine profondeur, quelques médailles d’or ou d’argent, frappées relativement à la destination du monument, & une table de bronze, sur laquelle sont gravées les armes de celui par les ordres duquel on construit l’édifice. Cette cérémonie qui se fait avec plus ou moins de magnificence, selon la dignité de la personne, ne s’observe cependant que dans les édifices royaux & publics, & non dans les bâtimens particuliers. Cet usage existoit du tems des Grecs, & c’est par ce moyen qu’on a pu apprendre les époques de l’édification de leurs monumens, qui sans cette précaution seroit tombée dans l’oubli, par la destruction de leurs bâtimens, dans les différentes révolutions qui sont survenues.

Derniere pierre, celle qui se place sur l’une des faces d’un édifice, & sur laquelle on grave des inscriptions, qui apprennent à la postérité le motif de son édification, ainsi qu’on l’a pratiqué aux piédestaux des places Royale, des Victoires, de Vendôme à Paris, & aux fontaines publiques, porte S. Martin, saint Denis, saint Antoine, &c.

Pierre percée, celle qui est faite en dalle[1], & qui se pose sur le pavé d’une cour, remise ou écurie, ou qui s’encastre dans un chassis aussi de pierre, soit pour donner de l’air ou du jour à une cave, ou

sur un puisard pour donner passage aux eaux pluviales d’une ou de plusieurs cours.

Pierre à chassis, celle qui a une ouverture circulaire, quarrée, ou rectangulaire, de quelque grandeur que ce soit, avec feuillure ou sans feuillure, pour recevoir une grille de fer maillée ou non maillée, percée ou non percée, & servir de fermeture à un regard, fosse d’aisance, &c.

Pierre à évier, du latin emissarium, celle qui est creuse, & que l’on place à rez-de-chaussée, ou à hauteur d’appui, dans un lavoir ou une cuisine, pour faire écouler les eaux dans les dehors. On appelle encore de ce nom une espece de canal long & étroit, qui sert d’égout dans une cour ou allée de maison.

Pierre à laver, celle qui forme une espece d’auge plate, & qui sert dans une cuisine pour laver la vaisselle.

Pierre perdue, celle que l’on jette dans quelques fleuves, rivieres, lacs, ou dans la mer, pour sonder, & que l’on met pour cela dans des caissons, lorsque la profondeur ou la qualité du terrain ne permet pas d’y enfoncer des pieux ; on appelle aussi de ce nom celles qui sont jettées à baies de mortier dans la maçonnerie de blocage.

Pierres incertaines, ou irrégulieres, celles que l’on emploie au sortir de la carriere, & dont les angles & les pans sont inégaux : les anciens s’en servoient pour paver ; les ouvriers la nomment de pratique, parce qu’ils la font servir sans y travailler.

Pierres jectices, celles qui se peuvent poser à la main dans toute sorte de construction, & pour le transport desquelles on n’est pas obligé de se servir de machines.

Pierres d’attente, celles que l’on a laissé en bossage, pour y recevoir des ornemens, ou inscriptions taillées, ou gravées en place. On appelle encore de ce nom celles qui lors de la construction ont été laissées en harpes[2], ou arrachement[3], pour attendre celle du mur voisin.

Pierres de rapport, celles qui étant de différentes couleurs, servent pour les compartimens de pavés mosaïques[4], & autres ouvrages de cette espece.

Pierres précieuses, toutes pierres rares, comme l’agate, le lapis, l’aventurine, & autres, dont on enrichit les ouvrages en marbre & en marqueterie, tel qu’on en voit dans l’église des carmelites de la ville de Lyon, où le tabernacle est composé de marbre & de pierres précieuses, & dont les ornemens sont de bronze.

Pierre spéculaire, celle qui chez les anciens étoit transparente comme le talc, qui se débitoit par feuillet, & qui leur servoit de vitres ; la meilleure, selon Pline, venoit d’Espagne : Martial en fait mention dans ses épigrammes, livre II.

Pierres milliaires, celles qui en forme de socle, ou de borne, chez les Romains, étoient placées sur les grands chemins, & espacées de mille en mille, pour marquer la distance des villes de l’empire, & se comptoient depuis la milliaire dorée de Rome, tel que nous l’ont appris les historiens par les mots de primus, secundus, tertius, &c. ab urbe lapis ; cet usage existe encore maintenant dans toute la Chine.

Pierres noires, celles dont se servent les ouvriers dans le bâtiment pour tracer sur la pierre : la plus tendre sert pour dessiner sur le papier. On appelle

  1. Dalle est une pierre platte & très-mince.
  2. Harpes, pierres qu’on a laissées a l’épaisseur d’un mur alternativement en saillie, pour faire liaison avec un mur voisin qu’on doit élever par la suite.
  3. Arrachemens sont des pierres ou moilons aussi en saillie, qui attendent l’édification du mur voisin.
  4. Mosaïque, ouvrage composé de verres de toutes sortes de couleurs, taillés & ajustés quarrément sur un fond de stuc, qui imitent très bien les diverses couleurs de la peinture, & avec lesquels on exécute différens sujets.