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comme la belle hache, le liais ferault, & la plûpart des pierres dures.

Pierre franche, celle qui est la plus parfaite que l’on puisse tirer de la carriere, & qui ne tient ni de la dureté du ciel de la carriere, ni de la qualité de celles qui sont dans le fond.

Pierre pleine, toute pierre dure qui n’a ni cailloux, ni coquillages, ni trous, ni moye, ni molieres, comme sont les plus beaux liais, la pierre de tonnere, &c.

Pierre entiere, celle qui n’est ni cassée ni fêlée, dans laquelle il ne se trouve ni fil, ni veine courante ou traversante ; on le connoît facilement par le son qu’elle rend en la frappant avec le marteau.

Pierre trouée, poreuse, ou choqueuse, celle qui étant taillée est remplie de trous dans ses paremens, tel que le rustic de Meudon, le tuf, la meuliere, &c.

Pierre gelisse ou verte, celle qui est nouvellement tirée de la carriere, & qui ne s’est pas encore dépouillée de son humidité naturelle.

Pierre de couleur, celle qui tirant sur quelques couleurs, cause une variété quelquefois agréable dans les bâtimens.

De la pierre selon ses défauts. Il n’y a point de pierre qui n’ait des défauts capables de la faire rebuter, soit par rapport à elle-même, soit par la négligence ou mal-façon des ouvriers qui la mettent en œuvre, c’est pourquoi il faut éviter d’employer celles que l’on appelle ainsi.

Des défauts de la pierre par rapport à elle-même. Pierre de ciel, celle que l’on tire du premier banc des carrieres ; elle est le plus souvent défectueuse ou composée de parties très-tendres & très-dures indifféremment, selon le lieu de la carriere où elle s’est trouvée.

Pierre coquilleuse ou coquilliere, celle dont les paremens taillés sont remplis de trous ou de coquillages, comme la pierre de S. Nom, à Versailles.

Pierre de soupré, celle du fond de la carriere de S. Leu, qui est trouée, poreuse, & dont on ne peut se servir à cause de ses mauvaises qualités.

Pierre de souchet, en quelques endroits, celle du fond de la carriere, qui n’étant pas formée plus que le bouzin, est de nulle valeur.

Pierre humide, celle qui n’ayant pas encore eu le tems de sécher, est sujette à se feuilleter ou à se geler.

Pierre grasse, celle qui étant humide, est par conséquent sujette à la gelée, comme la pierre de cliquart.

Pierre feuilletée, celle qui étant exposée à la gelée, se délite par feuillet, & tombe par écaille, comme la lambourde.

Pierre délitée, celle qui après s’être fendue par un fil de son lit, ne peut être taillée sans déchet, & ne peut servir après cela que pour des arrases.

Pierre moulinée, celle qui est graveleuse, & s’égraine à l’humidité, comme la lambourde qui a particulierement ce défaut.

Pierre félée, celle qui se trouve cassée par une veine ou un fil qui court ou qui traverse.

Pierre moyée, celle dont le lit n’étant pas également dur, dont on ôte la moye & le tendre, qui diminue son épaisseur, ce qui arrive souvent à la pierre de la chaussée.

Des défauts de la pierre, par rapport à la main-d’œuvre. On appelle pierre gauche, celle qui au sortir de la main de l’ouvrier, n’a pas ses paremens opposés paralleles, lorsqu’ils doivent l’être suivant l’épure[1], ou dont les surfaces ne se bornoyent point, & qu’on ne sauroit retailler sans déchet.

Pierre coupée, celle qui ayant été mal taillée, & par conséquent gâtée, ne peut servir pour l’endroit où elle avoit été destinée.

Pierre en délit, ou délit en joint, celle qui dans un cours d’assises, n’est pas posée sur son lit de la même maniere qu’elle a été trouvée dans la carriere, mais au contraire sur un de ses paremens. On distingue pierre en délit de délit en joint, en ce que l’un est lorsque la pierre étant posée, le parement de lit fait parement de face, & l’autre lorsque ce même parement de lit fait parement de joint.

De la pierre selon ses façons. On entend par façon la premiere forme que reçoit la pierre, lorsqu’elle sort de la carriere pour arriver au chantier, ainsi que celle qu’on lui donne par le secours de l’appareil, selon la place qu’elle doit occuper dans le bâtiment ; c’est pourquoi on appelle.

Pierre au binard, celle qui est en un si gros volume, & d’un si grand poids, qu’elle ne peut être transportée sur l’attelier, par les charrois ordinaires, & qu’on est obligé pour cet effet de transporter sur un binard, espece de chariot tiré par plusieurs chevaux attelés deux à deux, ainsi qu’on l’a pratiqué au Louvre, pour des pierres de S. Leu, qui pesoient depuis douze jusqu’à vingt-deux & vingt-trois milliers, dont on a fait une partie des frontons.

Pierre d’échantillon, celle qui est assujettie à une mesure envoyée par l’appareilleur aux carrieres, & à laquelle le carrier est obligé de se conformer avant que de la livrer à l’entrepreneur ; au lieu que toutes les autres sans aucune mesure constatée, se livrent à la voie, & ont un prix courant.

Pierre en debord, celle que les carriers envoient à l’attelier, sans être commandée.

Pierre velue, celle qui est brute, telle qu’on l’a amenée de sa carriere au chantier, & à laquelle on n’a point encore travaillé.

Pierre bien faite, celle où il se trouve fort-peu de déchet en l’équarissant.

Pierre ébouzinée, celle dont on a ôté tout le tendre & le bouzin.

Pierre tranchée, celle où l’on a fait une tranchée avec le marteau, fig. 89. dans toute sa hauteur, à dessein d’en couper.

Pierre débitée, celle qui est sciée. La pierre dure & la pierre tendre ne se débitent point de la même maniere. L’une se débite à la scie sans dent, fig. 143. avec de l’eau & du grais comme le liais, la pierre d’Arcueil, &c. & l’autre à la scie à dent, fig. 145. comme le S. Leu, le tuf, la craie, &c.

Pierre de haut & bas appareil, celle qui porte plus ou moins de hauteur de banc, après avoir été atteinte jusqu’au vif.

Pierre en chantier, celle qui se trouve callée par le tailleur de pierre, & disposée pour être taillée.

Pierre esmillée, celle qui est équarrie & taillée grossierement avec la pointe du marteau, pour être employée dans les fondations, gros murs, &c. ainsi qu’on l’a pratiqué aux cinq premieres assises des fondemens de la nouvelle église de Sainte Génevieve, & à ceux des bâtimens de la place de Louis XV.

Pierre hachée, celle dont les paremens sont dressés avec la hache A du marteau bretelé fig. 93. pour être ensuite layée ou rustiquée.

Pierre layée, celle dont les paremens sont travaillés au marteau bretelé, fig. 91.

Pierre rustiquée, celle qui ayant été équarrie & hachée, est piquée grossierement avec la pointe du marteau, fig. 89.

Pierre piquée, celle dont les paremens sont piqués avec la pointe du marteau, fig. 91.

Pierre ragrée au fer, ou riflée, celle qui a été passée au riflard, fig. 114 & 115.

  1. Une épure est un dessein ou développement géométrique des lignes droites & courbes des voûtes.