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pluralité des suffrages de la tribu ou de la centurie pour ou contre la loi proposée. Cette action de compter les tablettes en les marquant avec des points, a fait dire à Cicéron, comptez les points, & à Horace, celui-là a tous les points, c’est-à-dire, réussit, qui sait joindre l’utile à l’agréable : Omne tulit punctum, qui miscuit utile dulci.

La loi qui étoit reçue par le plus grand nombre de suffrages, étoit gravée sur des tables de cuivre ; ensuite on la laissoit quelque tems exposée publiquement à la vue du peuple, ou bien on la portoit dans une des chambres du trésor public pour la conserver précieusement (D. J.)

Lois des Barbares, (Code des Barbares) on appelle lois des Barbares, les usages des Francs Saliens, Francs Ripuaires, Bavarois, Allemands, Thuringiens, Frisons, Saxons, Wisigoths, Bourguignons & Lombards.

Tout le monde sait avec quelle sagacité M. de Montesquieu a développé l’esprit, le caractere & les principes de toutes ces lois, je n’en tirerai que quelque généralités.

Les Francs sortis de leur pays, firent rédiger par les sages de leur nation les lois saliques. La tribu des Ripuaires s’étant jointe aux Saliens, conserva ses usages, & Théodoric, roi d’Austrasie, les fit mettre par écrit. Il recueillit de même les usages des Bavarois & des Allemands qui dépendoient de son royaume. Il est vraissemblable que le code des Thuringiens fut donné par le même Théodoric, puisque les Thuringiens étoient aussi ses sujets. La loi des Frisons n’est pas antérieure à Charles Martel & à Pepin qui les soumirent. Charlemagne, qui le premier domina les Saxons, leur donna la loi que nous avons. Les Wisigoths, les Bourguignons & les Lombards ayant fondé des royaumes, firent écrire leurs lois, non pas pour faire suivre leurs usages aux peuples vaincus, mais pour les suivre eux-mêmes.

Il y a dans les lois Saliques & Ripuaires, dans celles des Allemands, des Bavarois, des Thuringiens & des Frisons, une simplicité admirable, une rudesse originale, & un esprit qui n’avoit point été affoibli par un autre esprit. Elles changerent peu, parce que ces peuples, si on en excepte les Francs, resterent dans la Germanie ; mais les lois des Bourguignons, des Lombards & des Wisigoths, perdirent beaucoup de leur caractere, parce que ces peuples qui se fixerent dans de nouvelles demeures, perdirent beaucoup du leur.

Les Saxons qui vivoient sous l’empire des Francs, eurent une ame indomptable. On trouve dans leurs lois des duretés du vainqueur, qu’on ne voit point dans les autres codes de lois des Barbares.

Les lois des Wisigoths furent toutes refondues par leurs rois, ou plûtôt par le clergé, dont l’autorité étoit immense. Nous devons à ce code toutes les maximes, tous les principes & toutes les vues du tribunal de l’inquisition d’aujourd’hui ; & les moines n’ont fait que copier contre les juifs des lois faites autrefois par les évêques du pays.

Du reste, les lois des Wisigoths sont puériles, gauches, idiotes, pleines de rhétorique, vuides de sens, frivoles dans le fonds, & gigantesques dans le style. Celles de Gondebaud pour les Bourguignons, paroissent assez judicieuses ; celles de Rhotaris & des autres princes Lombards, le sont encore plus.

Le caractere particulier des lois des Barbares, est qu’elles furent toutes personnelles, & point attachées à un certain territoire : le Franc étoit jugé par la loi des Francs, l’Allemand par la loi des Allemands, le Bourguignon par la loi des Bourguignons, le Romain par la loi romaine ; & bien loin qu’on songeât, dans ces tems-là, à rendre uniforme les lois des peu-

ples conquérans, on ne pensa pas même à se faire

législateur du peuple vaincu.

Cependant toutes ces lois personnelles des Barbares, vinrent à disparoître chez les François par des causes générales qui les firent cesser peu-à-peu. Ces lois étoient déja négligées à la fin de la seconde race, & au commencement de la troisieme on n’en entendit presque plus parler. Les fiefs étant devenus héréditaires, & les arriere-fiefs s’étant étendus, il s’introduisit de nouveaux usages, auxquels les lois des Barbares n’étoient plus applicables ; on leur substitua des coutumes.

Comme dans l’établissement de la monarchie, on avoit passé des coutumes & des usages à des lois écrites ; on revint quelques siecles après des lois écrites, à des usages & des coutumes non écrites.

La compilation de Justinien ayant ensuite paru, elle fut reçue comme loi dans les parties de la France qui se gouvernoient par le droit romain, & seulement comme raison dans celles qui se gouvernoient par les coutumes ; c’est pourquoi l’on rassembla quelques-unes de ces coutumes sous le regne de S. Louis & les regnes suivans ; mais sous Charles VII. & ses successeurs, on les rédigea par tout le royaume ; alors elles furent écrites, elles devinrent plus connues & prirent le sceau de l’autorité royale. Enfin, on en a formé de nouvelles rédactions plus completes dans des tems qui ne sont pas fort éloignés des nôtres, & dans des tems où l’on ne faisoit pas gloire d’ignorer ce qu’on doit savoir, & de savoir ce qu’on doit ignorer. (D. J.)

Loi, (Jurisprud.) signifie en général un commandement émané d’une autorité supérieure, auquel un inférieur est obligé d’obéir.

Les lois sont de plusieurs sortes, savoir divines ou humaines ; on les distingue aussi, la loi naturelle de la loi civile, la loi ancienne de la loi nouvelle. Il y a encore bien d’autres divisions des lois.

La premiere de toutes les lois, est celle de nature, les premiers hommes vivoient selon cette loi naturelle, qui n’est autre chose qu’un rayon de lumiere & un principe de la droite raison que Dieu a donné aux hommes pour se conduire, & qui leur fait appercevoir les regles communes de la justice & de l’équité.

L’ancienne loi ou la loi de Moïse, apellée aussi la vieille loi ou la loi des Juifs, est celle que Dieu donna à son peuple par la bouche de son prophete.

A celle-ci a succédé la loi de grace ou la loi chrétienne, la loi de l’évangile qui nous a été apportée par Jesus-Christ, & qui est la plus parfaite de toutes.

Pour ce qui est des lois humaines, il est probable que les premieres furent les lois domestiques que chaque pere de famille fit pour établir l’ordre dans sa maison ; ces lois ne laissoient pas d’être importantes, vu que dans les premiers tems, les familles formoient comme autant de peuples particuliers.

Lorsque les hommes commencerent à se rassembler dans des villes, ces lois privées se trouverent insuffisantes pour contenir une société plus nombreuse, il fallut une autorité plus forte que la puissance paternelle. De l’union de plusieurs villes & pays, il se forma divers états que l’on soumit au gouvernement d’une puissance soit monarchique, ou aristocratique, ou démocratique ; dès-lors ceux qui furent revêtus de la puissance souveraine donnerent des lois aux peuples qui leur étoient soumis, & créerent des magistrats pour les faire observer.

Toute loi est censée émanée du souverain ou autres personnes qui sont revêtues de la puissance publique ; mais comme ceux qui gouvernent ne peuvent pas tout faire par eux-mêmes, ils chargent ordinairement de la rédaction des lois les plus habiles