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Au reste il se trouvera néanmoins une fin commune à tous les logiciens, c’est d’atteindre toujours à la vérité interne, c’est-à-dire à une juste liaison d’idées pour former des jugemens vrais, d’une vérité interne, & non pas d’une vérité externe, que le commun des logiciens ont confondue avec la vérité interne : ce qui leur a fait aussi méconnoître quelle est ou quelle doit être la fin spéciale de la logique.

On demande aussi si la logique est une science : il est aisé de satisfaire à cette question. Elle mérite ce titre, si vous appellez science toute connoissance infaillible acquise avec les secours de certaines réflexions ou regles ; car ayant la connoissance de la logique, vous savez démêler infailliblement une conséquence vraie d’avec une fausse.

Mais est-elle un art ? question aussi aisée à résoudre que la précédente. Elle est l’un ou l’autre, suivant le sens que vous attachez au mot art. L’un veut seulement appeller art ce qui a pour objet quelque chose de matériel ; & l’autre veut appeller art toute disposition acquise qui nous fait faire certaines opérations spirituelles ou corporelles, par le moyen de certaines regles ou réflexions. Là-dessus il plaît aux logiciens de disputer si la logique est ou n’est pas un art ; & il ne leur plaît pas toujours d’avouer ni d’enseigner à leurs disciples que c’est une pure ou puérile question de nom.

On forme encore dans les écoles une autre question, savoir si la logique artificielle est nécessaire pour acquérir toutes les Sciences dans leur perfection. Pour répondre à cette question, il ne faut qu’examiner ce que c’est que la logique artificielle : or cette logique est un amas d’observations & de regles faites pour diriger les opérations de notre esprit ; & de-là elle n’est point absolument nécessaire : pourquoi ? parce que pour que notre esprit opere bien, il n’est pas nécessaire d’étudier comment il y réussit. C’est un instrument que Dieu a fait & qui est très-bien fait. Il est fort inutile de discuter métaphysiquement ce que c’est que notre entendement & de quelles pieces il est composé : c’est comme si l’on se mettoit à disséquer les pieces de la jambe humaine pour apprendre à marcher. Notre raison & notre jambe font très-bien leurs fonctions sans tant d’anatomies & de préambules ; il ne s’agit que de les exercer, sans leur demander plus qu’elles ne peuvent. D’ailleurs, si l’esprit ne pouvoit bien faire ses opérations sans les secours que fournit la logique artificielle, il ne pourroit être sûr si les regles qu’il a établies sont bien faites. Au reste, nous prouvons que les syllogismes ne sont rien moins que nécessaires pour découvrir la vérité. Voyez Syllogismes.

La logique se divise en docente & utente ; la docente est la connoissance des regles & des préceptes de la logique, & la logique utente est l’application de ces mêmes regles. On peut appeller la premiere théorétique, & la seconde, pratique : elles ont besoin mutuellement l’une de l’autre. Les regles apprises & comprises s’effacent bientôt, si l’on ne s’exerce souvent à les appliquer, tout comme la danse ou le manege s’oublient aisément quand on discontinue ces exercices. Tel croit être logicien, parce qu’il a fait un cours de logique ; mais quand il faut venir au fait & à l’application, sa logique se trouve en défaut : pourquoi ? c’est parce qu’il avoit jetté une bonne semence, mais qu’il l’a mal cultivée.

Disons aussi que le succès de la logique artificielle dépend beaucoup de la logique naturelle : celle ci varie & se trouve en différens degrés chez les hommes. Tel comme tel est naturellement plus agile ou plus fort que son camarade, de même tel est meilleur logicien, c’est-à-dire qu’il a plus d’ouverture d’esprit & de solidité de jugement.

L’expérience prouve qu’entre douze disciples qui

étudieront la même science sous le même maître, il y aura toujours une gradation qui vient en partie du fonds, en partie de l’éducation : car la logique naturelle acquise a aussi ses degrés. Avec un même fonds on peut avoir eu ou moins d’attention à le cultiver, ou des circonstances moins favorables. Cette diversité de dispositions, tant naturelles qu’acquises, qu’on apporte à l’étude de la logique artificielle, déterminent donc les progrès que l’on y fait.

LOGIS, s. m. (Gramm.) c’est la maison entiere qu’on occupe. On a son logis dans tel quartier, & l’on a son logement en tel endroit de la maison.

LOGISTE, s. m. (Antiq. grecq.) λογίστης ; nom d’un magistrat très-distingué à Athènes, préposé pour recevoir les comptes de tous ceux qui sortoient de charge. Le sénat même de l’Aréopage, ainsi que les autres tribunaux, étoit obligé à une reddition de compte devant les logistes, & à ce qu’on croit tous les ans.

Les logistes répondoient assez bien à ceux qu’on nommoit à Rome recuperatores pecuniarum repetundarum ; mais ils ne répondent pas également à nos maîtres des comptes en France, puisque la jurisdiction & l’inspection de nos maîtres des comptes ne s’étend pas à toute magistrature, comme celle des logistes d’Athènes.

Il faut encore distinguer les logistes des euthynes, εὔθυνοι, quoique l’office de ces deux sortes magistrats ait la plus grande affinité ; les uns & les autres étoient au nombre de dix, & l’emploi des uns & des autres rouloit entierement sur la reddition des comptes : mais les euthynes étoient en sous-ordre. On doit donc les regarder comme les assesseurs des logistes : c’étoit eux qui recevoient les comptes, les examinoient, les dépouilloient, & en faisoient leur rapport aux logistes.

On élisoit les euthynes, on tiroit au sort les logistes. Si ces derniers trouvoient que le comptable étoit coupable de délit, son cas étoit évoqué au tribunal qui jugeoit les criminels. Enfin les logistes & les euthynes ne connoissoient que du fait des affaires pécuniaires, & renvoyoient la prononciation du jugement de droit aux autres tribunaux.

Logiste est dérivé de λογίζιστω, compter ; nous en avons vû la raison. (D. J.)

LOGISTIQUE, adj. (Géom.) pris substantivement, est le nom qu’on a donné d’abord à la logarithmique, & qui n’est presque plus en usage. Voyez Logarithmique.

On appelle logarithme logistique d’un nombre quelconque donné de secondes, la différence entre le logarithme qu’on trouve dans les tables ordinaires du nombre 3600″ = 60″ x 60, = 60′= 1°, & celui du nombre de secondes proposé. On a introduit ces logarithmes pour prendre commodément les parties proportionnelles dans les tables astronomiques. Voyez-en le calcul & l’usage dans les Instit. astron. de M. le Monnier, p. 622-626. (O)

LOGOGRIPHE, s. m. (Littér.) espece de symbole ou d’énigme consistant principalement dans un mot qui en contient plusieurs autres, & qu’on propose à deviner, comme, par exemple, dans le mot Rome on trouve les mots orme, or, ré, note de musique, mer, voyez Enigme. Ce mot est formé de λογος, discours, & de γριφος, énigme, c’est-à-dire énigme sur un mot.

Le logogriphe consiste ordinairement en quelques allusions équivoques, ou en une décomposition des mots en des parties qui, prises séparément, signifient des choses différentes de celles que marque le mot. Il tient le milieu entre le rebus & l’énigme proprement dite.

Selon Kircher le logogriphe est une espece d’armes parlantes. Ainsi un anglois qui s’appelleroit Léonard,