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grande profondeur, sont compactes ; celles qui se trouvent dans des cantons plus chauds, ont pu souffrir tantôt plus, tantôt moins de décomposition ou de destruction ; c’est aussi la terre & les sucs qu’elle contient qui leur ont fait prendre la couleur jaune ou brune, quelquefois semblable à du coco, que l’on voit dans quelques-unes de ces dents. Voyez Gmelin, voyage de Sibérie, tom. III. pag. 147. & suiv.

C’est donc à tort que quelques naturalistes ont cru que ces dents trouvées en Sibérie n’étoient point de l’ivoire : elles ne different de celui des éléphans que par les changemens qu’il a pu subir dans le sein de la terre ; ce qui a pu faire croire qu’il y avoit de la différence, c’est qu’on aura peut-être confondu les autres ossemens, tels que les os du mammon ou les dents de vaches marines avec l’ivoire fossile ou les dents aiguës des éléphans qui se trouvent dans les mêmes pays.

Quant aux éléphans, ce seroit vainement qu’on en chercheroit aujourd’hui de vivans en Sibérie ; on ne les trouve que dans les pays chauds, & ils ne pourroient vivre sous un climat aussi rigoureux que celui où l’on rencontre les restes de leurs semblables. A quoi donc attribuer la grande quantité d’ivoire fossile qui se trouve dans une région si septentrionale ? Sera-ce, comme prétend le comte de Marsigli, parce que les Romains y ont mené ces animaux ? Jamais ces conquérans n’ont été faire des conquêtes chez les Scythes hyperboréens, & il ne paroît pas qu’aucun autre conquérant Indien ait eu la tentation de porter la guerre dans un climat si facheux & si éloigné. Il faudra donc conclure que dans des tems dont l’histoire ne nous a point conservé le souvenir, la Sibérie jouissoit d’un ciel plus doux, & étoit habitée par des animaux que quelque révolution générale de notre globe a ensevelis dans le sein de la terre, & que cette même révolution a entierement changé la température de cette région. Les Sibériens emploient l’ivoire fossile aux mêmes usages que l’ivoire ordinaire ; ils en font des manches de sabres, de couteaux, des boîtes, &c. (—)

Ivoire, (Mat. med.) la rapure d’ivoire passe pour cordiale, diaphorétique, antispasmodique, propre à résister au prétendu venin des fievres malignes, à arrêter les diarrhées, à corriger les acides des premieres voies & des humeurs. Toutes ces vertus sont purement imaginaires, tous les medecins instruits en conviennent aujourd’hui. La rapure d’ivoire donne par une décoction convenable un suc gelatineux & purement nourrissant. Mais il y a très grande apparence que ce suc n’est pas extrait par les humeurs digestives, & qu’ainsi la rapure d’ivoire n’est dans l’estomac qu’une poudre inutile.

L’ivoire calciné à blancheur, connu dans les boutiques sous le nom de spode, est un alcali terreux, comme toutes les autres substances animales préparées de la même façon ; & c’est gratuitement qu’on lui a attribué des vertus particulieres contre les fleurs blanches, par exemple, le cours de ventre, la gonorrhée, &c. Voyez Terreux, & l’article Charbon Chimie, où l’on trouvera quelques réflexions sur l’état de l’ivoire calciné en particulier.

L’ivoire brûlé, ou le charbon d’ivoire ne sauroit être regardé comme un remede. Voyez Charbon Chimie. (b)

IVOY, (Géog.) selon l’itinér. d’Antonin, ville de France ruinée au pays de Luxembourg, & aux frontieres de Champagne. Voyez son histoire dans l’abbé de Longuerue. En 1637 le maréchal de Chatillon prit Ivoy & la démantela, desorte que ce n’est plus qu’un village (D. J.)

JUPE, s. f. (Hist. mod.) habillement de femme qui prend depuis la ceinture, & qui tombe jusqu’aux

piés. On les fait de toutes sortes d’étoffes.

Jupe, terme de tailleur ; c’est ainsi qu’on appelle les quatre pans d’un habit quand ils sont assemblés deux à deux, à compter depuis les hanches jusqu’en bas. Dans les vestes, comme ces quatre pans sont toujours séparés, on les appelle des basques.

JUPITER, s. m. (Astron.) une des planetes supérieures, remarquable par son éclat, & qui se meut autour de la terre dans l’espace d’environ douze ans, par un mouvement qui lui est propre. Voyez Planete.

Jupiter est situé entre Saturne & Mars ; il tourne autour de son axe en 9 heures 56 minutes, & acheve sa révolution périodique autour du soleil en 4332 jours 12 heures 20′. 9″. Le caractere par lequel les astronomes marquent Jupiter, est ♃.

Jupiter est la plus grande de toutes les planetes ; il paroît par les observations astronomiques, que son diametre est à celui du soleil comme 1077 à 10000 ; à celui de Saturne, comme 1077 à 889, & à celui de la terre, comme 1077 à 104. La force de gravité sur sa surface est à celle qui agit sur la surface du soleil, comme 797 est à 10000 ; à celle de Saturne, comme 797, 15 à 534, 337 ; à celle de la terre, comme 797, 15 à 407, 832. La densité de sa matiere est à celle du soleil comme 7404 à 10000 ; à celle de Saturne, comme 7404 à 6011 ; à celle de la terre, comme 7404 à 3921. La quantité de matiere qu’il contient, est à celle du soleil comme 9, 248 à 10000 ; à celle de Saturne comme 9, 248 à 4, 223 ; à celle de la terre, comme 9, 248, à 00044. Voyez l’article Gravitation, où nous avons enseigné la maniere de trouver les masses des planetes qui ont des satellites. Voyez aussi les articles Révolution, Diametre, &c.

La moyenne distance de Jupiter au soleil est de 5201 parties, dont la moyenne du soleil à la terre en contient 2000, quoique Kepler ne la fasse que de 5196 de ces parties. Selon M. Cassini, la moyenne distance de Jupiter à la terre, est de 115000 demi-diametre de la terre. La distance de Jupiter au soleil étant au moins cinq fois plus grande que celle de la terre au soleil, Grégory en conclut que le diametre du soleil ou de Jupiter ne paroîtroit pas la cinquieme partie de ce qu’il nous paroît, & par conséquent que son disque seroit vingt-cinq fois moindre, & sa lumiere & sa chaleur moindres en même proportion. Voyez Qualité.

L’inclinaison de l’orbite de Jupiter, c’est-à-dire l’angle que forme le plan de son orbite avec le plan de l’écliptique, est de 20′. Son excentricité est de 250 sur 1000 ; & Huyghens a calculé que sa surface est quatre cent fois aussi grande que celle de la terre. Au reste on observe dans les mouvemens de cette planete plusieurs irrégularités dont on peut voir le détail dans les institutions astronomiques de M. le Monnier, pag. 570. & ces irrégularités sont vraissemblablement occasionnées en grande partie par l’action de Saturne sur cette planete. On peut voir aussi sur ce sujet la piece de M. Euler qui a remporté le prix de l’académie des Sciences en 1748.

Quoique Jupiter soit la plus grande de toutes les planetes, c’est néanmoins celle dont la révolution autour de son axe, est la plus prompte. On a remarqué que son axe est plus court que le diametre de son équateur ; & leur rapport, suivant M. Newton, est celui de 8 à 9 ; de sorte que la figure de Jupiter est celle d’un spheroïde applati ; la vitesse de sa rotation rendant la force centrifuge de ses parties fort considérable, fait que l’applatissement de cette planete est beaucoup plus sensible que celui d’aucune autre. M. de Maupertuis l’a démontré dans les Mémoires de l’académie de 1734, & dans son discours sur la figure des astres.