Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/631

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ritent aussi d’être citées. Voyez l’histoire des Mathématiques de M. Montucla, tom. II. part. IV. liv. I.

Théorie des logarithmes. Soit proposé de trouver le logarithme d’un nombre quelconque, & de construire un canon ou une table pour les logarithmes naturels. 1o . Comme 1, 10, 100, 1000, 10000, &c. constituent une progression géométrique, leurs logarithmes peuvent donc être pris dans une progression arithmétique à volonté ; or pour pouvoir exprimer par des fractions décimales les logarithmes de tous les nombres intermédiaires, nous prendrons la progression 0.0000000, 1.0000000, 2.0000000, 3.0000000, 4.0000000, &c. de maniere que le premier de ces nombres ou zero, soit le logarithme de 1, que le second soit le logarithme de 10, le troisieme celui de 100, & ainsi de suite. Voyez Décimal. 2o . Il est évident qu’on ne pourra point trouver des logarithmes exacts pour les nombres qui ne sont point compris dans la série géométrique ci-dessus, 1, 10, 100, &c. mais on pourra en avoir de si approchans de la vérité, que dans l’usage ils seront aussi bons que s’ils étoient exacts. Pour rendre ceci sensible, supposons qu’on demande le logarithme du nombre 9 ; j’introduirai entre 1.0000000 & 10.0000000, un moyen proportionnel géométrique, & cherchant entre leurs logarithmes 0.00000000 & 1.00000000, un moyen proportionnel arithmétique, celui ci sera évidemment le logarithme de l’autre, c’est-à-dire d’un nombre qui surpassera 3 d’un peu plus que , & par conséquent qui sera encore fort éloigné de 9. Je chercherai donc entre 3 & 10, un autre moyen proportionnel géométrique, qui approchera par conséquent plus de 9 que le premier ; & entre 10 & ce nouveau moyen proportionnel, j’en chercherai encore un troisieme, & ainsi de suite, jusqu’à ce que j’en trouve deux consécutifs, dont l’un soit immédiatement au dessus, & l’autre immédiatement au-dessous de 9, & cherchant un moyen proportionnel entre ces deux nombres là, & puis encore un autre entre celui-là & celui des deux derniers qui aura 9 entre lui & le précédent, on parviendra enfin à un moyen proportionnel qui sera égal 9  , lequel n’étant pas éloigné de 9 d’une dix millionieme partie d’unité, son logarithme peut, sans aucune erreur sensible, être pris pour le logarithme de 9 même. Je reviens donc à mes moyens proportionnels géométriques, & prenant l’un après l’autre, le logarithme de chacun d’eux par l’introduction d’autant de moyens proportionnels arithmétiques, je trouve enfin que 0.9542425 est le logarithme du dernier moyen proportionnel géométrique ; & j’en conclus que ce nombre peut être pris sans erreur sensible, pour le logarithme de 9, ou qu’il en approche extrèmement.

3o . Si on trouve de même des moyens proportionnels entre 1.0000000 & 3.1622777, que nous avons vû plus haut être le moyen proportionnel entre 1.0000000 & 10.0000000, & qu’on cherche en même tems le logarithme de chacun d’eux, on parviendra à la fin à un logarithme très-approchant de celui de 2, & ainsi des autres. 4o . Il n’est cependant pas nécessaire de prendre tant de peine pour trouver les logarithmes de tous les nombres, puisque les nombres, qui sont le produit de deux nombres, ont pour logarithmes, la somme des logarithmes de leurs produisans ; & réciproquement, si l’on a le logarithme du produit de deux nombres, & celui de l’un de ses produisans, on aura facilement le logarithme de l’autre produisant ; de même ayant le logarithme d’un quarré, d’un cube, &c. on a celui de sa racine, ainsi qu’on l’a démontré dans les propositions précédentes ; par conséquent, si l’on prend la moitié du logarithme de 9 trouvé ci-dessus, l’on aura le logarithme de 3, sçavoir 0.4771212.

Dans les logarithmes, les nombres qui précedent le point expriment des entiers ; & ceux qui sont après le point, expriment le numérateur d’une fraction, dont le dénominateur est l’unité, suivie d’autant de zéros que le numérateur a de figures. L’on donne à ces entiers le nom de caractéristiques, ou d’exposans, parce qu’ils marquent, en leur ajoutant 1, combien de caracteres doit avoir le nombre auquel le logarithme correspond ; ainsi 0 à la tête d’un logarithme, ou placé dans le logarithme avant le point, signifie que le nombre correspondant ne doit avoir que le seul caractere des unités, qu’une seule figure, parce que ajoutant 1 à 0 caractéristique, on aura le nombre 1, qui marque le nombre de figures qu’a le nombre auquel se rapporte le logarithme ; 1 caractéristique signifie que le nombre correspondant au logarithme, contient non-seulement des unités, mais encore des dixaines, & non pas des centaines ; qu’en un mot, il contient deux figures, & qu’il a sa place entre dix & cent, & ainsi des autres exposans ou caractéristiques. Il s’ensuit donc que tous les nombres, lesquels quoique différens, ont néanmoins autant de caracteres ou de figures les uns que les autres ; par exemple, les nombres compris entre 1 & 10, entre 10 & 100, entre 100 & 1000, &c. doivent avoir des logarithmes dont la caractéristique soit la même, mais qui different par les chiffres placés à la droite du point.

Si le nombre n’est nombre qu’improprement, mais qu’il soit en effet une fraction décimale exprimée numériquement, ce qui arrivera lorsqu’il n’aura de caractere réel qu’après le point, alors il devra évidemment avoir un logarithme négatif, & de plus la caractéristique de ce logarithme négatif marquera combien il y aura de 0 dans le nombre avant sa premiere figure réelle à gauche, y compris le 0, qui est toujours censé se trouver avant le point ; ainsi le logarithme de la fraction décimale 0.256 est 1.40824 ; celui de la fraction décimale 0.0256 est 2.40824, &c.

Tout cela est une suite de la définition des logarithmes ; car puisque les nombres entiers 1, 10, 100, &c. ont pour logarithme 0, 1, 2, &c. les fractions , , &c. qui forment une progression géométrique avec les entiers 1, 10, 100, &c. doivent avoir pour logarithmes les nombres négatifs, 1, 2, &c. qui forment une progression arithmétique avec les nombres 0, 1, 2, &c. donc &c.

Soit proposé maintenant de trouver le logarithme d’un nombre plus grand que ceux qui sont dans les tables, mais moindre que 10000000. Retranchez au nombre proposé ses quatre premieres figures vers la gauche, cherchez dans les tables le logarithme de ces quatre premieres figures, ajoutez à la caractéristique de ce logarithme autant d’unités qu’il est resté de figures à droite dans le nombre proposé. Soustrayez ensuite le logarithme trouvé de celui qui le suit immédiatement dans les tables, & faites après cela cette proportion, comme la différence des nombres qui correspondent à ces deux logarithmes consécutifs est à la différence des logarithmes eux-mêmes, ainsi ce qui reste à droite dans le nombre proposé est à un quatrieme terme, que nous pourrons nommer la différence logarithmique ; en effet, si vous l’ajoutez au logarithme d’abord trouvé, vous pourrez sans erreur sensible, prendre la somme pour le logarithme cherché. Si l’on demandoit par exemple, le logarithme du nombre 92375, je commencerai par en retrancher les quatre premieres figures à gauche, sçavoir 9237, & je prendrois dans les tables les logar. 3.9655309 du nombre qu’elles forment à elles seules, dont j’augmenterois la caractéristique 3 d’une unité, ce qui me donneroit 4.9655309, auquel il ne s’agiroit plus que d’ajouter la différence logarithmique convenable : or pour la trouver, je prendrois dans les tables