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Il est fait mention du log au II. liv. des Rois, vj. 25, comme d’une mesure de tous liquides. Dans le Lévitique, chap. xiv. v. 12, ce mot signifie particulierement la mesure d’huile, que les Lépreux étoient obligés d’offrir au temple après leur guérison.

Suivant les écrivains juifs, le log faisoit la quatrieme partie d’un caph, la douzieme d’un hin, la soixante-douzieme d’un bath, ou épha, & la sept cens vingtieme d’un choron ou chomer. Cet article, pour le dire en passant, contient plus d’erreurs que de lignes dans le dictionnaire de Trévoux. Voyez l’appréciation du log, au mot Mesure. (D. J.)

LOGARITHME, s. m. (Arithmét.) nombre d’une progression arithmétique, lequel répond à un autre nombre dans une progression géométrique.

Pour faire comprendre la nature des logarithmes, d’une maniere bien claire & bien distincte, prenons les deux especes de progression qui ont donné naissance à ces nombres ; savoir, la progression géométrique, & la progression arithmétique : supposons donc que les termes de l’une soient directement posés sous les termes de l’autre, comme on le voit dans l’exemple suivant,

1. 2. 4. 8. 16. 32. 64. 128.
0. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.

en ce cas, les nombres de la progression inférieure, qui est arithmétique, sont ce que l’on appelle les logarithmes des termes de la progression géométrique qui est en-dessus ; c’est-à-dire que 0 est le logarithme de 1, 1 est le logarithme de 2, 2 est le logarithme de 4, & ainsi de suite.

Ces logarithmes ont été inventés pour rendre le calcul plus expéditif, comme on le verra plus bas.

Le mot logarithme est formé des mots grecs λόγος, raison, & ἀριθμός, nombre ; c’est-à-dire raison de nombres.

Afin que l’on entende maintenant la doctrine & l’usage des logarithmes, il faut se rendre bien attentif aux propositions suivantes.

Proposition premiere. En supposant que le logarithme de l’unité soit 0, le logarithme du produit de deux nombres quelconques, tels que 4 & 8, sera toujours égal à la somme 5 des logarithmes des deux racines ou produisans ; ce qui est évident par les deux progressions que l’on a citées, car ajoutant 2 à 3, on a la somme 5, qui est le logarithme du produit 32, ce qui doit arriver effectivement ; car puisque 4 × 8 = 32, l’on aura cette proportion géométrique, 1.4∷8.32, dont les logarithmes doivent une proportion arithmétique, ainsi l’on aura l 1 . l 4 : l 8 . l 32 (la lettre l signifie le logarithme du nombre qu’elle précede) ; mais on sait que dans une proportion arithmétique, la somme des extrèmes est égale à la somme des moyens ; ainsi l 1 + l 32 = l 4 + l 8 ; or le logarithme de 1 ou l 1 = 0 (par la supp.) ; donc l 32 = l 4 + l 8. C. Q. F. D.

Proposition seconde. Le logarithme du quotient 16 du nombre 64 divisé par 4, est égal à la différence qu’il y a entre le logarithme de 64 & le logarithme de 4 ; c’est-à-dire que l 16 = l 64 − l 4 ; car par la supposition  ; donc en multipliant par 4, 64 × 1 = 16 × 4, ainsi 1.4∷16.64 ; donc l 1 + l 64 = l 4 + l 16. Or l 1 = 0 ; par conséquent l 64 = l 4 + l 16 ; donc enfin l 64 − l 4 = l 16. C. Q. F. D.

Proposition troisieme. Le logarithme d’un nombre n’est que la moitié du logarithme de son quarré. Démonstration ; prenez 8, quarrez le, vous aurez 64. Il faut donc prouver que l 8 =  : par la supposition 8 × 8 = 64 × 1 ; donc 1.8∷8.64 ; ainsi l 1 . l 8 : l 8. l 64 ; donc l 1 + l 64 = l 8 + l 8 = 2 l 8, or l 1 = 0 ; donc l 64 = 2 l 8, & par conséquent en divisant l’un & l’autre nombre par 2, on aura = l 8. C. Q. F. D.

Proposition quatrieme. Le logarithme d’un nombre

n’est que le tiers du logarithme de son cube. Démonstration ; prenez le nombre 2 & faites son cube 8, je dis que l 2 = l , car puisque 4 × 2 = 8 × 1, on aura 1.4∷2.8 ; donc l 1 . l 4 : l 2 . l 8 ; or par la démonstration précédente, 4 étant le quarré de 2, l 4 = 2 l 2 ; donc l 1 . 2 l 2 : l 2 . l 8 ; par conséquent l 1 + l8 = 2 l 2 + l 2 = 3 l 2, & comme l 1 = 0, on aura l 8 = 3 l 2 ; donc = l 2. C. Q. F. D.

Les propriétés que nous venons de démontrer, ont servi de fondement à la construction des tables des logarithmes, moyennant lesquelles on fait par l’addition & la soustraction, les opérations que l’on seroit obligé sans leurs secours, d’exécuter avec la multiplication, la division & l’extraction des racines, comme on va le faire voir en reprenant les deux progressions précédentes :

1. 2. 4. 8. 16. 32. 64. 128. &c.
0. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. &c.

Voulez-vous multiplier 4 par 16, cherchez les logarithmes 2. 4. qui répondent à ces nombres, faites en la somme 6, elle est le logarithme de leur produit 64.

Cherchez donc dans la table le nombre qui répond au logarithme 6, vous trouverez 64, qui est effectivement le produit de 4 par 16.

S’il s’agissoit de diviser 128 par 8, on chercheroit les logarithmes 7, 3. De ces nombres on ôteroit 3 de 7, le reste 4 seroit le logarithme de leur quotient, auquel répond le nombre 16.

Si on cherche la racine quarrée de 64, on n’a qu’à prendre la moitié de son logarithme 6, c’est 3 auquel répond 8 ; ainsi 8 est la racine quarrée de 64.

Il n’est pas plus difficile de trouver la racine cubique de 64, prenez le tiers de son logarithme 6, vous aurez 2, auquel répond 4.

Ainsi 4 est la racine cubique de 64. On feroit donc avec une extrème facilité, les opérations les plus laborieuses du calcul, si l’on avoit les logarithmes d’une grande quantité de nombres ; & c’est à quoi l’on a tâché de parvenir dans la construction des tables des logarithmes.

La découverte des logarithmes est dûe au baron Neper, écossois, mort en 1618. Il faut avouer cependant que Stifelius, arithméticien allemand, avoit remarqué avant lui la propriété fondamentale des logarithmes ; savoir que le logarithme du produit de deux nombres est égal à la somme de leurs logarithmes. Mais cette proposition resta stérile entre ses mains, & il n’en tira aucun usage pour abreger les opérations, ce qui fait l’essentiel de la découverte de Neper. Kepler dit aussi que Juste-Byrge, astronome du landgrave de Hesse, avoit imaginé les logarithmes ; mais de l’aveu de Kepler même, l’ouvrage où Byrge en parloit, n’a jamais paru.

Neper publia en 1614, sa découverte dans un livre intitulé mirifici logarithmorum canonis descriptio. Les logarithmes des nombres qu’il donne dans cet ouvrage, different de ceux que nous employons aujourd’hui dans nos tables ; car dans les nôtres le logarithme de 10 est l’unité, ou ce qui est la même chose, 1,000000 ; & dans celles de Neper, le logarithme de 10 est 2,3025850. Nous verrons au mot Logaritmique, la raison de cette différence. Mais cette supposition lui paroissant peu commode, il indiqua lui-même des tables de logarithmes, telles que nous les avons aujourd’hui. Elles furent construites après sa mort par Henri Briggs, dans son ouvrage intitulé Arithmetica logarithmica. Adrien Ulacq, mathématicien des Pays-bas, perfectionna le travail de Briggs ; & plusieurs autres ont travaillé depuis sur cette matiere. Les tables de logarithmes, qui ont aujourd’hui le plus de réputation pour l’étendue & l’exactitude, sont celles de Gardiner, in-4°. Celles de M. Deparcieux, de l’académie des Sciences, mé-