Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/592

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment, & prit une teinture de Christianisme. Jagellon gagna par son exemple, par sa conduite, & par sa libéralité, un grand nombre de ses sujets à la foi chrétienne ; il faisoit présent d’un habit gris à chaque personne qui se convertissoit.

Enfin, sous Casimir III. fils de Jagellon, les Polonois convinrent qu’ils ne feroient plus qu’un même peuple avec les Lithuaniens, que le roi seroit élu en Pologne ; que les Lithuaniens auroient séance & suffrage à la diete ; que la monnoie seroit la même ; que chaque nation suivroit ses anciennes coutumes, & que les charges de la cour & du duché de Lithuanie subsisteroient perpétuellement, ce qui se pratique encore aujourd’hui. Tel est en deux mots tout ce qu’on sait de l’histoire de la Lithuanie.

On peut diviser ce pays en Lithuanie ancienne, & en Lithuanie moderne. La Lithuanie ancienne comprenoit la Lithuanie proprement dite, la Wolhinie, la Samogitie, la Poldakie, & partie de la Russie.

La Lithuanie moderne comprend neuf palatinats, savoir les palatinats de Vilna, de Troki, de Minski, de Novogrodeck, de Brestia, de Kiovie, de Mscislau, de Vitepsk, & de Poloczk.

La Lithuanie porte le titre de grand duché, parce qu’elle a dans son étendue plusieurs duchés particuliers, très anciens, & dont la plûpart ont été les partages des cadets des grands ducs.

On y parle la langue Esclavonne, mais fort corrompue ; cependant les nobles & les habitans des villes parlent polonois ; & c’est dans cette langue que les prédicateurs font leurs sermons.

Le duché de Lithuanie est un pays uni, coupé de lacs & de grandes rivieres très-poissonneuses, dont quelques-unes vont descendre dans la mer Noire, & les autres dans la mer Baltique. Les lacs sont formés par la fonte des neiges, l’eau coule dans des lieux creux, & y demeure. Les principaux fleuves sont le Dnieper, autrement dit le Borysthène, & le Vilia ; l’un & l’autre prennent leurs sources dans la Lithuanie. La Dwine la traverse, & la Niemen qui s’y forme de plusieurs rivieres, va se perdre dans le golfe de Courlande ; les forêts abondent en gibier & en venaison.

Le trafic du pays consiste en blé, en miel, en cire, en peaux de zibelines, de panthères, de castors, d’ours, & de loups, que les étrangers viennent chercher sur les lieux.

Les Lithuaniens ont une maniere de labourer, qui leur est commune avec les habitans de la Russie blanche ; ils coupent dans l’été des rameaux d’arbres & de buissons ; ils étendent ce bois sur la terre, & couchent par-dessus de la paille, pour le couvrir pendant l’hiver ; l’été suivant ils y mettent le feu ; ils sement sur la cendre & sur les charbons, & aussitôt ils passent la charrue par-dessus. C’est ainsi qu’ils engraissent leurs terres, tous les six ou huit ans, ce qui leur procure d’abondantes recoltes.

Il paroît de ce détail que le duché de Lithuanie doit être regardé comme un pays qui peut fournir toutes les choses nécessaires à la vie ; mais cet avantage n’est que pour les nobles ; les paysans y sont encore plus malheureux qu’en Pologne ; leur état est pire que celui des esclaves de nos colonies ; ils ne mangent que du pain noir comme la terre qu’ils sement, ne boivent que d’une bierre détestable, ou du médon, breuvage de miel cuit avec de l’eau, portent des chaussures d’écorces de tilleul, & n’ont rien en propriété. Un seigneur qui tue quelqu’un de ces malheureux, en est quitte pour une légere amende. La moitié de l’Europe est encore barbare : il n’y a pas long-tems que la coutume de vendre les hommes subsistoit en Lithuanie ; on en voyoit qui nés libres, vendoient leurs enfans pour soulager leur misere,

ou se vendoient eux-mêmes, pour pouvoir subsister. (D. J.)

LITHUS, s. m. (Hist. nat.) nom que les anciens ont quelquefois donné à l’aimant, qu’il appelloient pierre par excellence.

LITIERE, s. f. (Littér. rom.) en latin basterna & lectica. C’étoit chez les Romains comme parmi nous, une espece de corps de carrosse, suspendu sur des brancards. Entrons dans quelques détails.

Les Romains avoient deux sortes de voitures portatives, dont les formes étoient différentes, & qui étoient différemment portées ; savoir, l’une par des mulets, on l’appelloit basterna, & l’autre par des hommes, on la nommoit lectica.

La basterne ou la litiere proprement nommée selon nos usages, a été parfaitement décrite dans une ancienne épigramme que voici :

Aurea matronas claudit basterna pudicas,
Quæ radians latum gestat utrumque latus.
Hunc geminus portat duplici sub robore burdo,
Provehit, & modicè pendula septa gradu.
Provisum est cautè, ne per loca publica pergens
Fucetur visis, casta marita viris.

« Une litiere dorée & vitrée des deux côtés, enferme les dames de qualité. Elle est soutenue sur un brancard par deux mulets qui portent à petits pas cette espece de cabinet suspendu : la précaution est fort bonne, pour empêcher que les femmes mariées ne soient subornées par les hommes qui passent ».

Isidore, dans ses Origines, lib. XX. cap. xij. & d’autres auteurs, parlent aussi de cette litiere fermée, qui ne servoit que pour les femmes.

L’autre espece de litiere appellée lectica, étoit communément ouverte, quoiqu’il y en eût de fermées ; les hommes s’en servoient d’ordinaire, & des esclaves la portoient, comme c’est la coutume parmi les Asiatiques pour les palanquins. Il y en avoit de plus ou moins magnifiques, selon la qualité, le rang, ou le goût dominant du luxe. Dion Cassius nous apprend que sous Claude ces sortes de litieres vinrent à la mode pour les dames ; on les faisoit alors plus petites qu’auparavant, & toutes découvertes. De-là vient que Pline appelloit les litieres couvertes, des chambres de voyageurs.

On y employoit plus ou moins de porteurs, deux, quatre, six, huit. La litiere, lectica, portée par quatre esclaves, s’appelloit tétraphore, tetraphorum ; la litiere portée par six, s’appelloit exaphore, exaphorum ; & la litiere portée par huit, se nommoit octophore, octophorum.

On en usoit non-seulement en ville, mais en voyage, comme on peut le voir dans Plutarque, au sujet de Cicéron, qui commanda à ses domestiques de s’arrêter, & de poser sa litiere, lorsqu’Hérennius qui le cherchoit avec ses soldats, par ordre de Marc-Antoine, pour lui ôter la vie, étoit prêt de l’atteindre : alors Cicéron tendit le cou hors de sa litiere, regardant fixément ses meurtriers, tandis que ses domestiques désolés se couvroient le visage : ainsi périt l’orateur de Rome, le 8 Décembre 710, âgé de près de 64 ans.

Il semble résulter de ce détail, que nos litieres portées par des mulets ou par des chevaux, répondent à la basterne, & que nos chaises vitrées, portées par des hommes, se rapportent en quelque maniere à la lectica des Romains.

Mais il est bon de remarquer que le mot lectica avoit encore d’autres significations analogues à celui de litiere. 1°. Il désignoit de grandes chaises de chambre, vitrées de toutes parts, où les femmes se tenoient, travailloient, & parloient à tous ceux qui avoient à faire à elles : j’ai vu quelque chose d’ap-