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fait en 1697, est celui où elles ont été exécutées avec le plus de précision ; & le peu de tems & de monde que ce siege coûta, en a démontré la bonté.

On construit ordinairement trois lignes paralleles ou places d’armes dans les sieges.

La figure de la premiere doit être circulaire, un peu aplatie sur le milieu : elle doit aussi embrasser toutes les attaques, par son étendue qui sera fort grande, & déborder la seconde ligne de 25 à 30 toises de chaque bout. Quant à ses autres mesures, on peut lui donner depuis 12 jusqu’à 15 piés de large, sur 3 de profondeur ; remarquant que dans les endroits où l’on ne pourroit pas creuser 3 piés, à cause du roc ou du marais qui se peuvent rencontrer dans le terrein qu’elle doit occuper, il faudra l’élargir davantage, afin d’avoir les terres nécessaires à son parapet. Jusqu’à ce qu’elle soit achevée on n’y doit pas faire entrer les bataillons, mais seulement des détachemens, à mesure qu’elle se perfectionnera.

Les usages de cette ligne ou place d’armes, sont,

1°. De protéger les tranchées qui se poussent en avant jusqu’à la deuxieme.

2°. De flanquer & de dégager la tranchée.

3°. De garder les premieres batteries.

4°. De contenir tous les bataillons de la garde, sans en embarrasser la tranchée.

5°. De leur faire toujours front à la place, sur deux ou trois rangs de hauteur.

6°. De communiquer les attaques de l’un à l’autre, jusqu’à ce que la seconde ligne soit établie.

7°. Elle fait encore l’effet d’une excellente contrevallation contre la place, de qui elle resserre & contient la garnison.

La seconde ligne doit être parallele à la premiere, & figurée de même, mais avoir moins d’étendue de 25 à 30 toises de chaque bout, & plus avancée vers la place, de 120, 140 ou 145 toises. Ses largeur & profondeur doivent être égales à celles de la premiere ligne. Il faut faire des banquettes à l’une & à l’autre, & border leur sommet de rouleaux de fascines piquetées pour leur tenir lieu de sacs à terre, ou de paniers, jusqu’à ce qu’elle soit achevée ; on n’y fait entrer que des détachemens : pendant qu’on y travaille, la tranchée continue toujours son chemin, jusqu’à ce qu’elle soit parvenue à la distance marquée pour la troisieme ligne ; de sorte que la seconde n’est pas plutôt achevée, qu’on commence la troisieme, & avant même qu’elle le soit totalement ; pour lors on y fait entrer les bataillons de la premiere ligne, & on ne laisse dans celle-ci que la réserve qui est environ le tiers de la garde ; pendant tout cela le travail de la tranchée fait son chemin de l’une à l’autre, jusqu’à la troisieme.

Les propriétés de la seconde ligne sont les mêmes que celles de la premiere ; il n’y a point d’autre différence, si ce n’est qu’elle approche plus près de la place à 120, 140, ou 145 toises, un peu plus ou un peu moins, au-delà de la seconde ligne ; on établit la troisieme, plus courte & moins circulaire que les deux premieres, ce que l’on fait pour approcher du chemin couvert, autant que l’on peut, & éviter les enfilades qui sont là fort dangereuses.

De sorte que si la premiere ligne est à 300 toises des angles les plus près du chemin couvert, la seconde n’en est plus qu’à 160, & la troisieme à 15 ou 20 toises seulement ; ce qui suffit à l’aide des demi-places d’armes, pour soutenir toutes les tranchées que l’on pousse en avant, quand les batteries ont tellement pris l’ascendant sur les ouvrages de la place, que le feu est éteint ou si fort affoibli, qu’on peut impunément le mépriser.

Mais si la garnison est forte & entreprenante, & que les batteries à ricochets ne puissent être em-

ployées, il faut s’approcher jusqu’à la portée de la

grenade, c’est-à-dire à 13 ou 14 toises près des angles saillans : comme les sorties sont bien plus dangereuses de près que de loin, il faut aussi plus perfectionner cette ligne que les deux autres, lui donner plus de largeur, & la mettre en état de faire un grand feu, & qu’on puisse passer par-dessus en poussant les sacs à terre, ou les rouleaux de fascines devant soi ; ce qui se fait en lui donnant un grand talud intérieur avec plusieurs banquettes depuis le pié jusqu’au haut du talud.

C’est sur le revers de cette derniere ligne, qu’il faut faire amas d’outils, de sacs à terre, picquets, gabions & fascines, fort abondamment, pour fournir au logement du chemin couvert, & les ranger en tas séparés, près des débouchemens, avant que de rien entreprendre sur le chemin couvert ; sur quoi il y a une chose bien sérieuse à remarquer, c’est que comme les places de guerre sont presque toutes irrégulieres, & différemment situées, il s’en trouve sur les hauteurs où le ricochet ayant peu de prise, ne pourroit pas dominer avec assez d’avantage, soit parce que les angles des chemins couverts en sont trop élevés, & qu’on ne trouve pas de situation propre à placer ces batteries : telle est par exemple la tête de terra nova au château de Namur ; telle étoit celle du fort Saint-Pierre à Fribourg en Briscau : tel est encore le fort de Saint-André de Salins, la citadelle de Perpignan, celle de Bayonne, celle de Montmidi, quelques têtes de Philisbourg, & plusieurs autres de pareille nature.

Il y a encore celles où les situations qui pourroient convenir aux ricochets, sont ou des marais, ou des lieux coupés de rivieres qui empêchent l’emplacement des batteries, & celles enfin où les glacis élevés par leur situation, sont si roides qu’on ne peut plonger le chemin couvert, par les logemens élevés en cavaliers, qu’on peut faire vers le milieu du glacis. Lorsque cela se rencontrera, on pourra être obligé d’attaquer le chemin couvert de vive force ; en ce cas il faudra approcher la troisieme ligne à la portée de la grenade, comme il a été dit, ou bien en faire une quatrieme, afin de n’avoir pas une longue marche à faire pour joindre l’ennemi, & toujours la faire large & spatieuse, afin qu’on y puisse manœuvrer aisément, & qu’elle puisse contenir beaucoup de monde, & une grande quantité de matériaux sur ses revers.

Cette ligne achevée, on y fera entrer le gros de la garde, ou les gens commandés, & l’on placera la réserve dans la deuxieme ligne. La premiere ligne demeurera vuide, & ne servira plus que de couvert au petit parc, à l’hôpital de la tranchée, qu’on fait avancer jusqu’aux fascines de provision que la cavalerie décharge dans les commencemens le long de ses bords ; & quand il s’agit de troupes extraordinaires, de la garde ou des travailleurs, ce qui n’arrive que quand on veut attaquer le chemin couvert, ou que quelques autres pieces considérables des dehors, on les y peut mettre en attendant qu’on les emploie.

Au surplus, si le travail de la premiere & seconde nuit de tranchée peut se poser à découvert, celui des deux premieres places d’armes pourra se poser de même, parce qu’on est assez loin de la place, pour que le feu n’en soit pas encore fort dangereux ; & ce n’est guere que depuis la deuxieme ligne qu’on commence à marcher à la sape ; mais pour ne point perdre de tems, & pouvoir avancer de jour & de nuit, on peut employer la sape à l’exécution de la deuxieme.

Outre les propriétés que la troisieme ligne a communes avec les deux premieres, elle a encore celle de contenir les soldats commandés qui doivent