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répandre la lumiere dans le méchanisme de la nature. (D. J.)

Lievre ou saisine de beaupré, (Marine.) ce sont plusieurs tours de corde qui tiennent l’aiguille de l’éperon avec le mât de beaupré.

Lievre, lepus, (Astronomie.) constellation dans l’hémisphere méridional, dont les étoiles sont dans le catalogue de Ptolomée au nombre de douze, dans celui de Tycho au nombre de treize, & dans le catalogue anglois au nombre de dix-neuf.

LIEUTENANT, s. m. (Jurisprud.) est un officier de judicature lequel tient la place du premier officier de la jurisdiction en son absence.

Un magistrat ou un autre juge ne peut régulierement se créer à lui-même un lieutenant ; car la puissance publique que donne l’office est un caractere imprimé dans la personne qui est pourvue de l’office, & qu’elle ne peut transmettre, soit à une personne privée, soit même à quelqu’un qui auroit pareil serment à justice ; le pouvoir de chaque officier étant limité au fait de sa charge, hors laquelle il n’est plus qu’Homme privé, à moins que par le titre de son office il n’ait aussi le pouvoir de faire les fonctions d’un autre officier en son absence.

Chez les Romains les magistrats, même ceux qui avoient l’administration de la justice, avoient la liberté de commettre en tout ou en partie, à une ou plusieurs personnes, les fonctions dépendantes de leur office.

Les proconsuls qui avoient le gouvernement des provinces, tant pour les armes que pour la justice & les finances, avoient ordinairement des especes de lieutenans distincts pour chacune de ces trois fonctions ; savoir, pour les armes, legatum, c’est-à-dire un député ou commis, lequel ne se mêloit point de la justice, à moins que le proconsul ne le lui eût mandé expressément. Pour la justice, ils avoient un assesseur, assessorem ; & pour les finances, un questeur. Quelquefois pour ces trois fonctions ils n’avoient qu’un même lieutenant, lequel, sous les derniers empereurs, s’appelloit ἐκπροσώπου & quelquefois vicarius ; mais ce dernier titre se donnoit plus ordinairement à ceux que l’empereur envoyoit dans les provinces où il n’y avoit point de gouverneur, lesquels en ce cas en étoient gouverneurs en chef, étant vicaires, non du gouverneur, mais de l’empereur même.

Les légats des proconsuls étoient choisis par le sénat, mais les assesseurs étoient choisis par les gouverneurs de provinces ; & lorsque les légats avoient outre les armes l’administration de la justice, ils tenoient cette derniere fonction de la volonté du gouverneur.

Les gouverneurs des provinces & plusieurs autres des principaux officiers de l’empire, avoient aussi coutume d’envoyer par les villes de leur département des commis appellés τοποτηρηταὶ, ce que Julian, interprete des novelles, traduit par locum tenentes, d’où nous avons sans doute tiré le terme de lieutenant. Mais Justinien, en sa novelle 134, supprima ces sortes d’officiers, voulant que les défenseurs des cités, choisis par les habitans, fissent la charge des gouverneurs des provinces en leur absence.

Mais cela n’empêcha pas qu’il ne fût toujours libre à l’officier de commettre & de léguer quelqu’un pour faire sa charge ; les fonctions même de la justice, quoique les plus importantes & les plus difficiles, pouvoient presque toutes être déléguées même à des personnes privées.

D’abord pour ce qui est de la simple jurisdiction, il est certain qu’elle pouvoit être déléguée : celui auquel elle étoit entierement commise pouvoit même subdéléguer & commettre à diverses personnes des procès à juger.

L’appel du commis ou délégué général se relevoit devant le supérieur du magistrat qui l’avoit commis, parce que ce délégué étoit comme nos lieutenans ; il n’exerçoit d’autre jurisdiction que celle de son commettant & en son nom. Il y a même lieu de croire que les sentences de ce délégué général étoient intitulées du nom du magistrat qui l’avoit commis, de même qu’en France les sentences rendues par le lieutenant ne laissent pas d’être intitulées du nom du bailli.

Il y avoit pourtant un cas où l’on appelloit du légat au proconsul ; mais apparemment que dans ce cas le légat avoit quelque jurisdiction qui lui étoit propre.

Du simple juge délégué on se pourvoyoit devant le délégué général qui l’avoit commis, mais ce n’étoit pas par voie d’appel proprement dit ; car le simple délégué n’avoit pas proprement de jurisdiction, il ne donnoit qu’un avis, lequel n’avoit de soi aucune autorité jusqu’à ce que le déléguant l’eût approuvé.

Le pouvoir appellé chez les Romains mixtum imperium, ne pouvoit pas être délégué indistinctement, car il comprenoit deux parties.

L’une attachée à la jurisdiction & pour la manutention d’icelle, qui emportoit seulement droit de legere correction : cette premiere partie étoit toûjours censée déléguée à celui auquel on commettoit l’entiere jurisdiction, mais non pas au délégué particulier.

La seconde partie du mixtum imperium, qui consistoit à décerner des decrets, à accorder des restitutions en entier, recevoir des adoptions, manumissions, faire des émancipations, mises en possession & autres actes semblables, n’étoit pas transférée à celui auquel la jurisdiction étoit commise, parce que ces actes légitimes tenoient plus du commandement que de la jurisdiction ; le mandataire de jurisdiction ou délégué général n’avoit pas droit de monter au tribunal & d’occuper le siége du magistrat, comme font présentement les lieutenans en l’absence du premier officier du siége ; & c’est encore une raison pour laquelle le délégué général ne pouvoit faire les actes qui devoient être faits pro tribunali. On pouvoit néanmoins déléguer quelques-uns de ces actes légitimes, pourvu que ce fût par une commission expresse & spéciale.

L’usage de ces commissions ou délégations avoit commencé à Rome pendant l’état populaire ; les magistrats étant en petit nombre & le peuple ne pouvant s’assembler aussi souvent qu’il auroit fallu pour donner lui-même toutes les commissions nécessaires, il falloit nécessairement que les magistrats substituassent des personnes pour exercer en leur place les moindres fonctions de leur charge. Les grands officiers avoient même le pouvoir d’en instituer d’autres au-dessous d’eux.

Mais toutes ces délégations & commissions étant abusives, furent peu-à peu supprimées sous les empereurs. Le titre du code de officio ejus qui vice præsidis administrat, ne doit pas s’entendre d’un juge délégué ou commis par le président, mais de celui qui étoit envoyé au lieu du président pour gouverner la province, soit par l’empereur ou par le préfet du prétoire.

Il fut donc défendu par le droit du code de commettre l’entiere jurisdiction, du-moins à d’autres qu’aux légats ou aux lieutenans en titre d’office ; i fut même défendu aux magistrats de commettre les procès à juger, à moins que ce ne fussent des affaires légeres. C’est pourquoi les juges délégués n’étant plus mandataires de jurisdiction, furent appellés juges pédanées, comme on appelloit auparavant tous