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de l’eau, du vin, du lait, de l’huile, du miel, sur le foyer ou dans le feu, en l’honneur de certains dieux, par exemple, en l’honneur des Lares qui avoient un soin particulier de la maison ; en l’honneur du Génie, dieu tutélaire de chaque personne ; & en l’honneur de Mercure, qui présidoit aux heureuses avantures. Plaute appelle assez plaisamment les dieux qu’on fêtoit ainsi, les dieux des plats, dii patellarii.

En effet on leur présentoit toujours quelque chose d’exquis, soit en viandes, soit en liqueurs. Horace peint spirituellement l’avarice d’Avidienus, en disant qu’il ne faisoit des libations de son vin, que lorsqu’il commençoit à se gâter.

Ac nisi mutatum parcit defundere vinum.

On n’osoit offrir aux dieux que de l’excellent vin, & même toujours pur, excepté à quelques divinités à qui, pour des raisons particulieres, on jugeoit à propos de le couper avec de l’eau. On en usoit ainsi à l’égard de Bacchus, peut-être pour abattre ses fumées, & vis-à-vis de Mercure, parce que ce dieu étoit en commerce avec les vivans & les morts.

Toutes les autres divinités vouloient qu’on leur servît du vin pur ; aussi dans le Plutus d’Aristophane, un des dieux privilégiés se plaint amérement qu’on le triche, & que dans les coupes qu’on lui présente, il y a moitié vin & moitié eau. Les maîtres, & quelquefois les valets, faisoient ces tours de pages.

Dans les occasions solemnelles on ne se contentoit pas de remplir la coupe des libations de vin pur, on la couronnoit d’une couronne de fleurs ; c’est pour cela que Virgile en parlant d’Anchise qui se préparoit à faire une libation d’apparat, n’oublie pas de dire :

Magnum cratera coronâ
Induit, implevitque mero.

Avant que de faire les libations, on se lavoit les mains, & l’on récitoit certaines prieres. Ces prieres étoient une partie essentielle de la cérémonie des mariages & des festins des noces.

Outre l’eau & le vin, le miel s’offroit quelquefois aux dieux ; & les Grecs le mêloient avec de l’eau pour leurs libations, en l’honneur du soleil, de la lune, & des nymphes.

Mais des libations fort fréquentes, auxquelles on ne manquoit guere dans les campagnes, étoient celles des premiers fruits de l’année, d’où vient qu’Ovide dit :

Et quodcunque mihi pomum novus educat annus,
Libatum agricolæ ponitur antè deos.

Ces fruits étoient présentés dans des petits plats qu’on nommoit patellæ. Ciceron remarque qu’il y avoit des gens peu scrupuleux, qui mangeoient eux-mêmes les fruits réservés en libations pour les dieux : atque reperiemus asotos non ità religiosos, ut edant de patella, quæ diis libata sunt.

Enfin les Grecs & les Romains faisoient des libations sur les tombeaux, dans la cérémonie des funérailles. Virgile nous en fournit un exemple dans son troisieme livre de l’Ænéide.

Solemnes tùm forte dapes, & tristia dona
Libabat cineri Andromache, manesque vocabat
Hectoreum ad tumulum.

Anacréon n’approuve point ces libations sépulcrales. A quoi bon, dit-il, répandre des essences sur mon tombeau ? Pourquoi y faire des sacrifices inutiles ? Parfume-moi pendant que je suis en vie ; mets des couronnes de roses sur ma tête....

Quelques empereurs romains partagerent les libations

avec les dieux. Après la bataille d’Actium,

le sénat ordonna des libations pour Auguste, dans les festins publics, aiusi que dans les repas particuliers ; & pour completter la flatterie, ce même sénat ordonna l’année suivante, que dans les hymnes sacrés le nom d’Auguste seroit joint à celui des dieux. Mais en vain desira-t-il cette espece de déification, pour ne se trouver tous les matins à son réveil, que le foible, tremblant, & malheureux Octave. (D. J.)

LIBATTE, ou CHILONGI, (Géogr. historique.) terme usité dans quelques provinces d’Ethiopie, pour signifier un amas de maisons, de cases, ou plûtôt de basses chaumieres construites de branchages, enduites de terre grasse, & couvertes de chaume. Elles sont environnées d’une haie de grosses épines, laquelle haie est très-épaisse, pour empêcher les animaux carnassiers de la franchir ou de la forcer. Il n’y a dans chaque case qu’une porte, que l’on a soin de fermer avec des faisceaux de grosses épines : car sans toutes ces précautions les bêtes dévoreroient les habitans. Ces amas de cabanes sont faits en maniere de camp, & tracés par les officiers du prince, qui en ont le commandement & l’inspection. Voyez-en les détails dans les relations de l’Ethiopie. Tout ce qui en résulte, c’est que ces misérables, comparés aux autres peuples, ne présentent que la pauvreté, l’horreur & le brigandage. (D. J.)

LIBATTO, s. m. (Hist. mod.) c’est le nom que les habitans du royaume d’Angola donnent à des especes de hameaux ou de petits villages qui ne sont que des assemblages de cabanes chétives bâties de bois & de terre grasse, & entourées d’une haie fort épaisse & assez haute pour garantir les habitans des bêtes féroces, dont le pays abonde. Il n’y a qu’une seule porte à cette haie, que l’on a grand soin de fermer la nuit, sans quoi les habitans courroient risque d’être dévorés.

LIBAU, Liba, (Géog.) place de Curlande, avec un port sur la mer Baltique & aux frontieres de la Samogitie. Cette place appartient au duc de Curlande, & est à 18 milles germaniques N. O. de Mémel, 25 O. de Mittau, 16 S. O. de Goldingen. Long. 39. 2. lat. 56. 27.

LIBBI, s. m. (Hist. nat. Bot.) arbre des Indes orientales qui ressemble beaucoup à un palmier ; il croît sur le bord des rivieres : les pauvres gens en tirent de quoi faire une espece de pain semblable à celui que fournit le sagou. La substance qui fournit ce pain est une moëlle blanche, semblable à celle du sureau ; elle est environnée de l’écorce & du bois de l’arbre, qui sont durs quoique très-menus. On fend le tronc pour en tirer cette moelle : on la bat avec un pilon de bois dans une cuve ou dans un mortier : on la met ensuite dans un linge que l’on tient au-dessus d’une cuve : on verse de l’eau par-dessus, en observant de remuer pour que la partie la plus déliée de cette substance se filtre avec l’eau au-travers du linge ; cette eau, après avoir séjourné dans la cuve, y dépose une fécule épaisse dont on fait un pain d’assez bon goût. On en fait encore, comme avec le sagou, une espece de dragées séches, propres à être transportées ; on prétend que, mangées avec du lait d’amandes, elles sont un remede spécifique contre les diarrhées.

LIBBI, s. m. (Commerce.) sorte de lin que l’on cultive à Mindanao, plus pour en tirer l’huile que pour en employer l’écorce.

LIBELLATIQUES, s. m. pl. (Théolog.) Dans la persécution de Decius, il y eut des chrétiens qui, pour n’être point obligés de renier la foi & de sacrifier aux dieux en public, selon les édits de l’empereur, alloient trouver les magistrats, renonçoient à la foi en particulier, & obtenoient d’eux, par